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remplaçant comme la première fois avec du vin ; le baril toujours ainsi rempli, fournit pendant long-temps du vinaigre de toute perfection, sans qu’il s’y forme de mère ni de dépôt sensible. Il y a encore dans beaucoup de ménages du vinaigre, dont la première fondation remonte au-delà de cinquante ans, et qui est exquis.


Troisième procédé.

Avant de mettre les raisins dans la cuve, on en égrappe une partie à proportion du vinaigre qu’on veut faire. On met les grains et le jus dans les cuves à vin, et on dépose les rafles dans un vaisseau, où elles s’échauffent et s’aigrissent pendant que le vin est fait. On retourne ces rafles de temps en temps, pour empêcher qu’elles ne chancissent ou moisissent à la superficie. Quand le vin de la cuve est fait, on le tire ; et au lieu d’en rejeter d’abord une partie sur le marc, comme on le pratique dans queleques pays, on couvre le marc des rafles qui se sont aigries, et on répand sur le tout une partie du vin tiré, à proportion de ce qu’on veut avoir de vinaigre. On mêle bien les rafles avec le marc, avec des crochets ou autrement. Le marc ainsi remanié, l’aigreur des rafles se communique à toute la liqueur. La fermentation s’établit très-promptement, et le vinaigre est d’autant plus fort et plus excellent, que le marc se trouve plus chargé d’esprit. Plus il y a de marc par proportion à la quantité du vinaigre, et plus ce dernier à de force.


Vinaigre de cidre.

Les habitans des cantons à cidre et à poiré font du vinaigre avec ces deux liqueurs. Il suffit pour cela de délayer dans une pièce de huit cent pintes (744 litres), six livres environ (deux kilogrammes 934 grammes) de levure aigre faite avec du levain, et de la farine de seigle qu’on délaie dans de l’eau chaude, et qu’on verse par le bondon. Après avoir remué le tout avec un bâton on le laisse tranquille, et il est rare qu’au bout de six à huit jours on n’ait un vinaigre de cidre d’une bonne force. Il est urgent de le soutirer dès qu’il est fait, étant plus sujet à devenir vappide que le vinaigre de vin.

Ce qu’on appelle dans la ci-devant Normandie petit cidre ou de la boisson, traitée de la même manière, devient facilement aigrelet, et fait un vinaigre foible à la vérité, mais agréable, préféré par les économes au vinaigre fort.

Plusieurs chimistes ont fait sur le vinaigre de cidre des expériences assez curieuses. Le citoyen Godde, ancien commissaire des guerres, et à qui nous devons déjà d’intéressantes observations, a remarqué que particulièrement le vinaigre de cidre en conservoit l’odeur et le goût de même que l’eau-de-vie qu’on en distille, et que cette eau-de-vie transportée en Afrique pour la traite des nègres, a eu la préférence sur l’eau-de-vie de vin, en sorte qu’il est quelquefois arrivé que la dernière s’est vendue moins cher que la première. Le citoyen Thierry,