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tificielle on peut nourrir un plus grand nombre de vaches dans les étables qu’on ne le fait avec 60 arpens dans les champs et pâturaux des pays de petite culture.

Quelques herbagers ont l’entêtement de vouloir saigner les vaches qu’ils mettent au verd : c’est un grand abus : il faudroit plutôt leur donner du sang que de leur en ôter, s’il étoit possible.

J’ai déjà parlé des précautions à prendre pour administrer le verd dans les premiers jours. Je ne les rappellerai pas ici ; mais, comme ces animaux sont accoutumés à prendre de fortes rations, il faut se défier de leur voracité : il faut craindre la mémorisation : ce n’est pas qu’elle soit toujours l’effet d’une grande quantité d’herbe dans les intestins : car on a souvent eu la preuve contraire : mais si le gonflement se manifestait pour de telles bêtes, il seroit plus difficile d’en prévenir les suites[1].

§. V. Observations générales sur les plantes à donner aux Bestiaux qu’on met au verd.

Parmi toutes les plantes qu’on emploie pour nourrir en verd les bestiaux, il y a sans doute des choix à faire en raison de leur qualité, et en raison même des animaux auxquels on les destine ; ainsi, par exemple, des feuilles d’arbres, des racines pivotantes conviennent mieux aux bêtes à cornes qu’aux chevaux. Parmi les plantes qui composent la prairie artificielle, je donnerai la préférence au trèfle et à la luzerne pour les bêtes à corne : le sainfoin, le raigraw, la grande pimprenelle, la spergule, etc., conviennent mieux aux chevaux ; les unes et les autres peuvent être données aux chevaux ou bêtes à cornes, mais les hommes du métier sentiront qu’il doit cependant y avoir des nuances, pour es effets, relativement aux uns et aux autres.

C’est ici le lieu de désabuser beaucoup de cultivateurs prévenus contre le trèfle pour ses effets sur les bestiaux qui s’en nourrissent intempestivement ; toutes les plantes, même les plus bienfaisantes, peuvent occasionner des indigestions, si on en donne trop, et mal-à-propos. Le trèfle à la vérité manifeste plus tôt qu’aucune autre plante verte les effets de la météorisation, et j’ajouterai même un fait qui a été peu observé par les cultivateurs et qui en induit beaucoup en erreur, c’est que la météorisation n’est pas toujours occasionnée par la présence d’une grande quantité de trèfle ; il suffit quelquefois, selon les dispositions de l’animal, et la grande fraîcheur de la plante, d’une modique ration, pour exciter ce gonflement fatal. Il est malheureux qu’un tel accident, mal observé ans ses causes, et irraisonné dans ses effets, éloigne un si grand nombre de cultivateurs de la culture d’une plante aussi éminemment

  1. Voyez l’instruction sur la manière de gouverner les Vaches, par les citoyens Chabert et Huzard, in-8°. an 5, chez le citoyen Huzard, rue de l’Éperon, N°. 11.