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arrosées, que de vouloir les prévenir dans cette saison.

Des propriétés des eaux en général. L’eau est plus indispensable à la végétation que la terre même, puisqu’on fait croître dans ce fluide sans mélange des végétaux de toutes les espèces. (Voyez les expériences de Hales, de Duhamel, de Bonnet, et autres physiciens.)

Aucun végétal ne peut se passer d’eau, soit en nature ou sous forme de vapeur circulant dans l’atmosphère. Plusieurs d’entr’eux croissent sous les eaux, entièrement submergés, et ne tiennent à la terre que par leurs racines, qui semblent plutôt destinées à les fixer à une place qu’à les nourrir ; d’autres croissent à la surface des eaux, y poussent leurs racines, voyagent ou séjournent avec elles ; enfin, il en est dont les racines croissent sous les eaux, poussent leurs tiges dans leur épaisseur, et s’élèvent à leur surface pour y développer leur feuillage et effectuer leur fructification.

L’eau douce n’est pas la seule qui soit habitée par des plantes, il s’en trouve dans les eaux salées de la mer ; enfin, on en rencontre dans les eaux froides, et dans les eaux chaudes ; mais toutes les modifications de l’eau ne sont pas également propres aux végétaux ; il en est de plus salubres les unes que les autres, et c’est ce que nous chercherons à développer dans cet article.

Propriétés particulières des eaux de rivières. Les eaux de rivières qui ont circulé pendant long-temps à l’air libre, qui cuisent bien les légumes, et dissolvent parfaitement le savon, sont réputées les meilleures pour toutes les espèces d’arrosemens. Toutes les eaux de sources, de fontaines, de puits, de mares, etc., qui partagent ces propriétés, sont également bonnes, à quelques faibles différences près.

Quelques personnes attribuent aux eaux de pluie et sur-tout à celles de neige, une qualité supérieure aux premières ; mais il n’existe pas d’expériences assez concluantes pour en tirer des résultats certains, et leur assurer la prééminence sur les autres. Tout ce qu’on sait, c’est que la neige placée au pied d’un arbre et recouverte de terre, arrête sa végétation ; ce qui peut être employé avec succès pour retarder la floraisnn d’arbres trop vigoureux, trop printaniers, dont les gelées empêchent la fructification.

Propriétés des eaux séléniteuse. Les eaux qui tiennent en dissolution de la sélénite sont nuisibles aux végétaux qu’elles arrosent, et particulièrement à ceux qui sont vivaces et d’une longue vitalité.

Ces eaux, en passant au travers de la couche de terre qu’elles arrosent habituellement, déposent sur les racines des végétaux une partie de la sélénite qu’elles contiennent. Cette substance pierreuse tenue dans une extrême division, bouche insensiblement les pores et les suçoirs des racines, et en obstrue les canaux : la croûte s’augmente avec le temps, elle enveloppe les racines entières, et, devenant dure, elle empêche toute communication des racines avec la terre.

Les végétaux soumis à l’arrosement de cette eau malfaisante poussent d’abord foiblement leurs feuilles, diminuent d’étendue, jaunissent ensuite, puis leurs rameaux se dessèchent et les plantes meurent insensiblement. Pour arrêter le mal avant le dernier période de la maladie, il n’est qu’un moyen, il faut déplanter les végétaux qui en sont affectés, les dépouiller de la terre qui entoure leurs racines, et plonger ces mêmes racines jusqu’à leur collet dans un bain composé d’un muid d’eau de rivière, de deux seaux de bouse de vache fraîche, d’un seau de fumier de volaille, et d’un quatrième de terre franche limoneuse.