Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/295

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qui se défendent par défaut de forces : si on les presse par des saccades du mors, par des coups de fouet ou d’éperon, on ruine leurs jarrets ou leurs reins ; on détruit en eux toute aptitude au service proportionné et soutenu qu’on auroit pu leur demander ; on anéantit tout moyen de rapport ou de réciprocité entre le conducteur et l’animal : en général, on détruit toute bonté, toute beauté, toute élégance. Tel cheval se couche sous un fardeau modéré, tel autre refuse entièrement de donner dans le collier, parce qu’on les a forcés à employer en vain toute leur énergie pour transporter une charge au dessus de leurs forces.

Il en est de même de ceux qui souffrent dans quelques parties, par exemple, au poitrail, à quelque articulation des membres, dans les pieds. Les mouvemens, les coups de forces, joints au fardeau, rendent la douleur plus violente. Un instant de patience pour observer la nature et le lieu des obstacles, un peu de discernement pour ne pas demander aux animaux plus qu’ils ne peuvent, de la douceur, des ménagemens, conserveront le caractère des beaux chevaux, et serviront encore à faire tirer tout le parti possible de ceux qui sont souffrans, foibles, ou vieux. Voyez Accoutumer. (Ch. et FR.)


AVORTEMENT, (Économie rurale et vétérinaire.) L’avortement est le part ou accouchement avant le terme : cet accident est accompagné le plus souvent du mauvais état de la mère et du fœtus.

La vache est, de toutes les femelles domestiques, celle qui y est le plus sujette ; il est très-fréquent dans quelques contrées de la France, où ces animaux sont tenus d’une manière qui s’éloigne trop de la nature.

Dans tous les pays, et dans toutes les femelles, l’avortement peut être causé par des efforts, des sauts, des chutes, des fatigues, des frayeurs ; mais, outre ces causes générales et communes, il en est de particulières dans les vaches ; dans beaucoup d’endroits, on les tient constamment a l’étable, on leur donne seulement une nourriture sèche pendant huit ou neuf mois de l’année ; cette nourriture est le plus souvent de la paille à discrétion, elle remplit et détend la panse ; devenant volumineuse, elle occupe dans l’abdomen un espace considérable, et, refoulant la matrice, s’oppose au développement du fœtus ; et puis, la vache est foible, manque de moyens, par défaut de sucs nourriciers ; ce qui empêche le fœtus de profiter, et le fait dépérir, tandis qu’il devroit toujours se fortifier et croître.

Une seconde cause plus active encore vient de ce que dans tous les lieux où l’on nourrit les vaches au sec, elles ne sortent point de l’étable, si ce n’est pour boire. Ces animaux, toujours attachés, rendent leurs excrémens avec difficulté, leurs matières sont dures et noires, et ne sortent que par de fortes contractions des muscles abdominaux ; ce qui nuit encore au fœtus déjà affoibli.

La chaleur des étables dont on a coutume aussi de boucher les plus petites ouvertures ; les exhalaisons résultantes de la transpiration des animaux, ou des vapeurs élevées de leurs excrémens, et sur-tout du fumier qu’on laisse séjourner quelquefois long-temps dans ces habitations, sont encore une des causes de l’avortement ; l’air pur est, de toutes les substances dont use l’animal, celui dont il ne peut se passer ; il l’aspire à tout instant, et, quand il est ainsi altéré, il renouvelle aussi à tout instant ses mauvais effets.

On sent assez quelle atteinte ces causes réunies et toujours agissantes portent à l’économie animale des mères, et par conséquent à celle du fœtus.