Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/376

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cette dernière île les conservent confites dans le vinaigre, et en font une provision pour une grande partie de l’année. Les cailles qui quittent à l’automne les contrées septentrionales de l’Europe se dirigent vers la mer Noire ; on en trouve beaucoup dans tous les vallons des montagnes de la Crimée, jusqu’à ce que la saison, plus avancée, les force à passer dans la Natolie, et de là en Syrie, ou en Égypte.

C’est principalement sur les côtes sablonneuses de l’Égypte que des myriades de cailles tombent en automne : excédées de fatigue, elles ne peuvent ni s’envoler, ni fuir en courant ; les Arabes les prennent en quantité prodigieuse, avec des filets, et les vendent, vivantes, à très-bas prix. Ce gibier devient alors un mets si commun à Alexandrie, que les capitaines de vaisseaux marchands de Provence, gens connus pour très-économes, en nourrissoient leurs équipages pendant la durée du passage des cailles. Au lieu de conserver ces oiseaux dans le vinaigre ou la saumure, comme les Grecs, les Égyptiens les tiennent dans des cages peu hautes, et dont le dessus est en toile, de peur qu’ils ne se fracassent la tête, en cherchant, suivant leur habitude, à s’élever brusquement, et dans une direction perpendiculaire : ce sont des provisions vivantes, dont les habitans et les navigateurs ne manquent pas de se munir.

Si, dans nos climats, l’on veut engraisser les cailles que l’on, prend maigres, ou les conserver pour les manger en hiver, on les renferme, de même qu’à Alexandrie, dans des cages couvertes avec de la toile, et qui n’ont pas plus d’un demi-pied, ou d’un pied de hauteur ; on les nourrit de millet, de blé, de chènevis, qu’on leur donne largement deux fois le jour, à la même heure ; leur eau doit être changée souvent, et leur prison entretenue dans la plus grande propreté, et même parfumée avec des plantes, ou d’autres substances odoriférantes. Bientôt la chair de ces captifs se chargera de graisse, et sera le prix des soins qu’on ne leur aura pas épargnés.

Toutes les cailles ne quittent point l’Europe en automne, pour passer en Syrie, ou en Afrique ; il en reste toujours en Espagne, et au midi de l’Italie : quelques unes, trop foibles pour suivre les autres, sont même obligées de ne point abandonner nos campagnes, et d’y choisir les expositions les plus favorables, et les cantons où la nourriture peut devenir moins rare, afin d’attendre le retour de la belle saison. Toutes ne reviennent pas non plus au printemps ; j’en ai rencontré plusieurs, au milieu de l’été, dans les plaines cultivées de la Basse-Égypte.

Dans l’état de sauvage, la caille se nourrit de blé, de millet, de chènevis, d’herbe verte, d’insectes, et de toutes sortes de graines ; elle aime beaucoup les baies de bryone, ou couleuvre, que les Hollandais nomment baies aux cailles. On dit qu’elle boit peu ; cependant, si on lui donne de l’eau, elle boit fréquemment en cage : mais, lorsqu’on s’aperçoit qu’elle est attaquée d’une maladie, dont le principal symptôme est d’avoir presque toujours une goutte d’eau au bout du bec, ce que l’on appelle rendre son eau, il faut, pour la guérir, retrancher toute boisson.

Les champs, les prés, les vignes sont la demeure habituelle des cailles ; elles ne se perchent jamais sur les arbres : aussi ne fréquentent-elles point les bois ; Elles passent la plus grande partie du jour sans mouvement, couchées dans les herbes les plus touffues ; elles y sont quelquefois plusieurs heures de suite, couchées sur le côté, dans la même place, et les jambes étendues. On prétend qu’elles ne vivent pas au delà de