Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/116

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On a eu cependant une autre source de coutumes écrites : les jugemens des tribunaux sur ces matières ont fourni des décisions que la jurisprudence a recueillies. (Voyez Cas rédhibitoires.)

Mais c’est sur-tout dans la rédhibition des animaux que les décisions de ce genre ont mérité le reproche que leur fait Montesquieu, d’être souvent contradictoires, soit parce que les tribunaux ont eu des opinions différentes, ou parce qu’il est difficile qu’ils aient une opinion sur cette matière, soit parce que les affaires pareilles sont tantôt bien, tantôt mal défendues.

La Jurisprudence française, en cela, se compose donc aujourd’hui de quelques points du Droit romain usité dans nos provinces méridionales, de quelques coutumes, d’arrêts, de règlemens, et enfin, d’usages non écrits, mal établis, le tout assez peu raisonné, et sur·tout peu d’accord.

En ce qui est des usages non écrits, il y en avoit chez les Romains, même du temps de Justinien. Il les approuve et en exprime le caractère, en les appelant des coutumes journalières, admises par le consentement de ceux qu’elles régissent, et servant de supplément à la loi.

Mais si l’on compare les usages de la vie civile, répétés chaque jour, avec les cas souvent assez rares qui donnent lieu à la rédhibition des animaux, quelle différence ! Les uns sont à la portée du bon sens de tous les citoyens, et leur fréquence en fait répéter chaque jour l’approbation ; les autres, au contraire, sont rares et exigent des connoissances assez approfondies de l’économie animale. On trouve des juges avancés en âge qui ne se souviennent pas qu’on ait jamais formé de demande en rédhibition dans leur juridiction : comment pourroient-ils connoître l’usage ? Il est d’ailleurs difficile de trouver des témoins pour attester un usage non écrit, dont les applications sont très-rares ; il est sur-tout dangereux, si l’on veut innover ou lever une incertitude, de suivre l’avis d’un seul homme, et sur-tout d’un homme peu versé dans les connoissances physiologiques et pathologiques qui, en cela, doivent servir de flambeau au législateur.

Cependant, il n’y a qu’une vingtaine d’années (en 1781), un maréchal, consulté par le tribunal de Commerce de Paris, déclara que le cornage ou sifflage étoit un cas rédhibitoire pour les chevaux, et qu’il devoit l’être ; et, sur ce témoignage, le Parlement, suivant les conclusions de la partie publique, rendit un arrêt portant : que dorénavant le cornage ou sifflage seroit rédhibitoire.

À cause de cette incohérence des usages, on a proposé aux tribunaux de Commerce d’ordonner la rescision des marchés, toutes les fois qu’il y a dol évident, ou que l’animal vendu ne remplit pas le but de la vente. Mais ces dispositions seroient loin d’être assez précises. N’est-il donc pas possible de trouver un petit nombre de principes féconds pour établir a garantie des animaux, de manière que les détails en découlent, et qu’ils aient assez de liaison pour former un système ?.

Motifs de la garantie. Dans tous les marchés ordinaires, le vendeur est bien décidé à céder sa marchandise pour le prix auquel il consent ; et, après le marché, son seul soin est de vérifier s’il reçoit de bonne monnoie ; alors il a l’équivalent qu’il désire.

Dans le commerce des animaux sur-tout, la condition de l’acheteur est bien différente. Un usage plus ou moins long, un service plus ou moins avantageux, ont donné au vendeur une entière connoissance des qualités de l’animal ; l’acheteur au contraire n’a qu’un instant, et souvent peu de facilité pour faire son examen. Si c’est à l’écurie, on n’y voit pas bien clair ; on apperçoit à peine les formes les plus intéressantes ; les animaux sont pressés l’un sur l’autre. Dans les foires et dans les marchés, les fait-on trotter quelques pas ? le coup d’œil est gêné, croisé par des chevaux que d’autres marchands font trotter en même temps ; ne soupçonnant pas qu’une partie soit affectée d’un défaut même considérable, on n’y fait pas attention séparément. Si le vendeur n’a point d’inquiétude sur l’argent qu’il a reçu, il s’en faut de beaucoup que l’acheteur puisse être dans la même sécurité par rapport à l’animal qu’on lui livre.

Dans tel cheval, la maladie n’existe que par intervalles ; c’est l’épilepsie ou mal caduc, ou bien la fluxion périodique, ou même encore une claudication qui n’est bien sensible qu’après un certain temps de repos. Celui-là est attaqué d’une maladie contagieuse, et, peu de temps après qu’elle a été communiquée, le mal n’a point fait assez de progrès pour être appercevable ; tels sont, au commencement de la maladie, le charbon, le claveau, etc. Les hommes de l’art les plus connoisseurs, fortifiés par la plus longue expérience, y faisant la plus grande attention, y seroient trompés souvent, puisqu’il n’y a point alors de symptômes. Ces cas réfutent l’opinion de Bornier et de Ranchin, qui prétendent que le