Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/136

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de multiplier cette plante, depuis un temps immémorial, presque exclusivement par la voie des œilletons. On sait que les plantes qui suivent mieux les lois de la nature, sont rarement stériles, tandis que les individus qu’on propage par le moyen prompt, facile et peu dispendieux des drageons, des boutures et des marcottes, fournissent peu de graines, et perdent insensiblement leur vertu reproductive ; en sorte qu’il est très-rare qu’on en récolte de bonnes sur ces sortes de sujets. Il seroit donc à désirer que l’usage de semer des graines franches, les mieux constituées, prévalût sur celui de la reproduction par œilleton, bouture, etc. La multiplication des espèces deviendroit plus considérable, plus vigoureuse, plus vivace, et résisteroit davantage contre les accidens souvent occasionnés par les hivers rigoureux.

Récolte des graines. Les procédés pour recueillir les graines, adoptés par ceux mêmes qui s’occupent particulièrement de cet objet, sous les rapports commerciaux, ne doivent pas être toujours la règle de conduite qu’il faille suivre à cet égard ; je m’abstiendrai d’en faire ici la critique, préférant d’indiquer les expériences et les observations d’après lesquelles on est parvenu à en découvrir de meilleures : ce seroit une insouciance impardonnable que de n’en point profiter.

Il convient, autant qu’on le peut, de choisir un temps sec pour la récolte des graines, et d’attendre, pour enlever les pieds, quelques rayons de soleil, afin d’achever leur dessiccation ; mais, comme on a remarqué que le même pied produit deux qualités de graines, que la tige du milieu qui mûrit la première fournit la semence la plus parfaite et la plus hâtive, que les sommités latérales donnent la seconde toujours inférieure, il vaut infiniment mieux couper les tiges, les séparer et mettre de côté les graines fournies par le jet principal. En arrachant les porte graines il reste toujours de la terre du sable et des petites pierres, qui se mêlent avec la graine, augmentent les difficultés de la nettoyer et de la conserver, ce qui est un grand inconvénient pour les personnes qui en font le commerce. Dans les petites cultures, on doit préférer de recueillir à la main, à fur et à mesure, les graines de carotte, de laitue et d’autres espèces, qui tombent facilement ou dont la maturité ne s’opère que successivement sur les tiges, et dans un assez long espace de temps : cette méthode a l’avantage de ne donner que des graines parfaitement mûres et nettes, au lieu que quand on est obligé de couper les tiges, il arrive presque toujours qu’au moment où cette opération s’exécute, les premières graines mûres (et ce ne sont pas les moins bonnes) sont tombées ou ont été la proie des oiseaux, et que celles qui ne le sont pas assez, se trouvent également perdues, ou bien sont mélangées par le battage avec celles dont la maturité étoit plus complète, ce qui est un inconvénient encore plus grand. Comme la dessiccation insensible est préférable à celle qui se fait brusquement par une chaleur plus ou moins forte, il faut, autant que la nature de la graine le permet, la conserver dans les capsules, dans les siliques, gousses, bales ou enveloppes, jusqu’au moment de s’en servir ; on réunit les tiges par paquets, qu’on tient dans un lieu à l’abri des alternatives du chaud et du froid, de la sécheresse et de l’humidité ; c’est le moyen le plus certain de prolonger la durée des graines, et de les conserver dans toute leur qualité. Les particuliers qui cultivent et récoltent des graines pour leur propre consommation ne doivent donc pas balancer à les garder dans leurs capsules, après qu’elles ont été recueillies parfaitement mûres, et de ne les en séparer qu’au moment de leur emploi ; c’est dans ces cap-