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expérimentées ; ils ont souvent beaucoup de suif.

Enfin, il est des moutons qui prennent la pourriture, si l’on tarde de les livrer au boucher quand ils sont gras : mais cet accident n’est point commun a tous les moutons et à tous les lieux ; il tient au climat et aux pâturages humides, qui ont boursouflé le mouton d’une graisse flasque et aqueuse.

Accident qui arrivent avant ou après l’engraissement. Les bœufs maigres qu’on achète au loin pour les amener dans les herbages ; ceux que l’on conduit gras à des marchés éloignés, souffrent en route, soit qu’ils s’usent ou se blessent les pieds, sur-tout quand la route est pierreuse, qu’il fait de la boue, ou que la chaleur est excessive, et particulièrement encore ceux qui ont les pieds tendres, les membres faibles, ou qui ont souffert précédemment, en un mot ceux qui sont mal à pied, suivant l’expression des marchands. Pour ce qui est des accidens particuliers aux pieds, on a l’usage de les prévenir, autant qu’il est possible, en appliquant des fers aux pieds des bœufs, soit un fer pour les deux doigts, soit un fer à chaque doigt, soit même un fer au seul doigt externe de chaque pied.

La fatigue cause dans les bœufs qui voyagent une tumeur, un emphysème sur l’articulation du fémur avec le bassin. Cette tumeur est large comme les deux mains et assez saillante ; si l’on comprime la peau en cet endroit avec la main, elle est crépitante, c’est-à-dire que la pression déplace l’air avec un certain bruit. En Normandie, cette maladie est nommée les pigeons.

La tumeur est d’abord sans emphysème ; ce second accident n’a lieu le plus souvent qu’à la suite d’un redoublement d’efforts, ou qu’après que le bœuf s’est couché dans le pâturage ou ailleurs. C’est ce que les marchands expriment en disant que le mal est beaucoup plus dangereux lorsque la bête a été gagnée par les pigeons de terre.

L’emphysème se prolonge sur les flancs, sur la croupe, et jusqu’à la queue ; si les pigeons sont simples, l’animal peut marcher, mais avec difficulté ; quand ils sont plus graves ou compliqués d’emphysème, il est obligé de se tenir le plus souvent couché.

Les pigeons existent d’un côté ou des deux côtés en même temps.

Il faut placer l’animal en repos, dans une étable sèche, sur une bonne litière, lui donner quelques lavemens, laver l’endroit douloureux avec de l’eau tiède dans laquelle on aura fait bouillir du son, ou mieux encore, mettre dans un sac du son humecté d’eau, à un degré de chaleur plus que tiède, et fixer le sac sur la croupe du bœuf, de manière qu’il porte constamment sur les parties affectées. S’il y a emphysème, il faudra faire à la peau des incisions à deux travers de doigt de distance les unes des autres, et laver la partie deux fois par jour avec de l’eau tiède acidulée par le vinaigre, ou par l’acide sulfurique. On versera ensuite sur la peau de cet endroit un peu d’eau-de-vie que l’on étendra et que l’on fera pénétrer en frottant avec la main dans toute la surface du mal.

Dans ce cas, on donnera des lavemens d’eau salée ou vinaigrée.

La nourriture sera de l’eau blanchie par le son de froment ou par la farine d’orge, et du foin ou de l’herbe en petite quantité, mais bien choisis.

On étrillera et l’on bouchonnera l’animal deux fois par jour.

Les bœufs, en route, sont sujets à la fourbure, c’est-à-dire à l’engorgement du tissu feuilleté qui unit l’ongle à l’os du pied. Le séjour prolongé du sang dans cette partie, et la continuation de la route, déterminent dans le tissu dont nous parlons, une espèce d’ecchymose, par l’effet de laquelle la chute de l’ongle s’opère ; c’est ce qu’on appelle désergoter, dessaboter. L’animal effectue le dessabotement en secouant son pied à plusieurs reprises, et jusqu’à ce que l’ongle se détache. Alors le tissu feuilleté reste à nu, et l’animal est incapable de continuer la marche.

Il arrive aussi quelquefois que l’ongle ne tombe qu’à un des doigts du pied ; de même qu’on a vu des bœufs et des vaches éprouver la chute des ongles des deux pieds de derrière à la fois ; c’est toujours aux pieds de derrière que ces accidens arrivent.

Il faut, si le bœuf est gras, le vendre à un boucher voisin, et, s’il est maigre, le déposer dans un pâturage où l’ongle pousse, où le bœuf dépérit quelquefois, mais où il est toujours plus de temps à engraisser. Quelquefois les bœufs dessabotent, sur-tout en montant une côte, sans que le conducteur se soit apperçu qu’ils fussent malades ; quelquefois aussi on reconnoît que cet accident menace à la difficulté de marcher et au boursouflement des vaisseaux près de l’ongle ; il faudroit, pour le prévenir, laisser le bœuf en repos, saigner en pince, ouvrir la peau de haut en bas par sept à huit coups de flamme ou de bistouri autour de l’ongle, pour donner issue