Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/189

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ou moins fertiles, plus ou moins abondans.

Si ces dépôts limoneux sont gras et non graveleux, si leur couche est peu épaisse, c’est un puissant amendement pour les prés qu’ils recouvrent, quoiqu’ils nuisent aux récoltes du moment. Alors ces dépôts doivent y être précieusement conservés.

Si ces dépôts de bonne qualité sont assez épais pour faire craindre que l’herbe ne puisse pas les percer, événement assez peu commun, il faut, lorsque cela est possible, enlever la plus grande partie ; ce sera une puissante ressource pour les engrais ; elle dédommagera avec usure des avances qu’on pourra consacrer à son emploi.

Lorsque l’excédant de la couche de ces dépôts peut être enlevé pour le répandre sur d’autres terres, principalement sur celles plantées en vignes, il faut auparavant calculer les moyens de transport les plus économiques.

Des ouvriers, placés en relais, conduisant des brouettes sur des planches, offrent le meilleur moyen pour retirer des prés, lorsque leur étendue n’est pas trop considérable, les alluvions qu’on veut en extraire. Vient ensuite celui des bêtes de somme, que l’on charge avec des vaisseaux de bois percés de petits trous, pour en laisser échapper l’eau surabondante. Des camions triangulaires à bascule sont à préférer pour de grands travaux, à cause de la facilité de leur déchargement. Ceux que l’on voudroit employer dans les prés devroient avoir des roues dont les jantes seroient très larges.

L’enlèvement de ces couches limoneuses doit être prompt, afin de diminuer le danger de leurs émanations, qui est toujours proportionné à l’étendue de leur surface, et afin de se ménager au plus tôt la récolte du terrain qu’elles recouvroient.

Ces couches limoneuses devroient servir principalement à relever les berges des rivières qui les ont produites, et à diminuer ainsi les accidens qu’occasionnent toujours leurs débordemens. On pourroit y en déposer plus que moins ; cet excédant, après sa maturité, pourroit servir comme un excellent engrais pour les prés ou autres terrains auxquels on voudroit les consacrer. Il faut veiller seulement à ce que ces dépôts, amoncelés sur les berges, ne puissent pas retomber dans le lit des rivières, dont ils obstrueroient le cours,

Toutes ces terres limoneuses entassées éprouveront, par la chaleur de l’été, une fermentation utile à la perfection de l’engrais qu’elles doivent fournir ; car elles sont plus ou moins mélangées : en les répandant ensuite sur les terres, immédiatement avant la gelée, elles y recevront, par son action, la division nécessaire à leur effet.

Mais si ces dépôts charriés par l’eau sur les prés et de bonne qualité ont une couche trop épaisse pour permettre à la meilleure herbe de croître, et que cependant leur excédant ne puisse être enlevé faute du moyen d’exécution, il faut bien alors renoncer à ces prés, et cultiver cette terre nouvelle comme toute autre qui lui seroit analogue. Après plusieurs hersages pour favoriser l’évaporation de l’humidité, il sera nécessaire de donner plusieurs labours profonds, afin de détruire les fortes plantes de ces prairies, derniers signes de leur précédente végétation.

Si ce nouveau sol pouvoit être assez promptement préparé, on pourroit encore y semer, avant l’automne, des navets et turneps. Ce seroit un moyen de remplacer, pour les bestiaux, la nourriture que l’ancienne superficie devoit leur procurer ; on y fera ensuite, au printemps, des semis de chanvre. Enfin, après une culture de deux ou trois an-