Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/202

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riaux du lait, à les réunir et à leur imprimer le cachet particulier de l’animal. C’est ainsi, par exemple, que du sel marin, ajouté à des fourrages insipides et détériorés, concourt à rendre le lait pins épais et plus savoureux. Certes, il n’y a point, dans ce premier assaisonnement de nos mets, les élémens du beurre, du fromage et du sucre de lait ; s’il opère un pareil effet, ce n’est qu’en soutenant le ton de l’estomac et en augmentant les forces vitales, que pourroit affoiblir l’usage d’une nourriture défectueuse.

Cependant, si les alimens n’ont pas toujours une influence marquée sur la nature des différens principes qui constituent le lait, il n’en est pas moins vrai que ces principes reçoivent, de la part des végétaux dont ils sont formés, certains caractères, en quelque sorte indélébiles. Si les fourrages administrés aux animaux sont naturellement aqueux, et par conséquent peu sapides, le lait qui en proviendra sera abondant, mais séreux ; si au contraire ils sont, comme on dit, aigres, durs et fibreux, les produits de ce fluide n’auront encore ni moelleux, ni flexibilité ; enfin, le lait donnera des résultats plus parfaits dès que les herbages seront fins, savoureux et aromatiques. — Ces observations, qui réduisent à sa juste valeur l’influence des alimens sur la qualité du lait, nous paroissent suffisantes pour expliquer la cause qui fait que le lait provenant des troupeaux nourris dans les prairies composées de beaucoup de plantes fines et aromatiques, donnent des produits qui réunissent tant de qualités ; pourquoi, lorsque ces mêmes plantes n’ont perdu, par la dessiccation, que leur humidité superflue et une partie de leur odeur, elles n’en donnent pas moins aux femelles qui en sont nourries un lait aussi abondant, pour le moins, en principes, que si ces animaux étoient au vert ; pourquoi les femelles qui paissent dans les lieux aquatiques et ombragés, fournissent communément un lait moins bon que celles qui vivent dans des herbages gras, mais découverts, et sur des terrains qui leur sont propres ; car, si la vache se trouve bien des pâturages succulens des plaines, la brebis se plaît sur les endroits secs, et la chèvre dans les pays montueux ; enfin, pourquoi la vache qui a vêlé en juillet donne en octobre un lait plus riche en crème, quoiqu’elle soit nourrie avec des fourrages secs.

Il seroit superflu de s’arrêter plus longtemps sur cette question, toute importante qu’elle soit. En général, il paroît démontré que le lait est un de ces fluides dont la perfection est subordonnée à une foule de circonstances, souvent si difficiles à réunir, qu’il n’est pas aussi commun qu’on le pense, de rencontrer des femelles, toutes choses égales d’ailleurs, qui le donnent constamment bon, et dont les principes soient parvenus au même degré d’appropriation.

La plus grande quantité de lait qu’une vache puisse fournir, dans la saison du vert, est évaluée, d’après une suite d’expériences, à vingt-quatre pintes, ou quarante-huit livres environ dans les deux ou trois traités ; mais le produit commun est de douze pintes environ ; et quoique plus savoureux, et en plus grande abondance pendant l’été que l’hiver, le lait qu’elle donne dans cette dernière saison est plus riche en principes.

C’est dans les organes mammaires que le lait reçoit ses propriétés caractéristiques, qui augmentent ou diminuent d’intensité, à raison d’une foule de circonstances dont nous venons d’exposer les principales ; mais, ce qu’il ne faut jamais perdre de vue, c’est que, dans tous les temps et chez toutes les femelles, le lait trait le premier est toujours plus clair et d’une qualité inférieure à celui qui vient ensuite, et que la crème est d’autant plus abondante et plus parfait» qu’on approche des dernières gouttes