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est bien décidée, lorsqu’on considère ces animaux sous les rapports de la beauté et de la quantité de leurs laines. Le mérinos, à taille égale, produit le triple de laine, et même dans des proportions bien plus considérables, comparativement aux autres races.

L’extraction des mérinos est un bienfait du siècle dernier, qui aura une grande influence sur la prospérité du siècle où nous entrons. Elle procurera aux hommes des vêtemens plus sains et plus commodes ; elle fera naître une plus grande quantité de travail pour la classe indigente ; elle augmentera le nombre des fabriques, donnera plus d’extension au commerce, et occasionnera l’avancement de l’agriculture.

C’est au temps et aux expériences multipliées à nous démontrer tous les avantages que peut procurer à l’agriculture et aux fabriques l’éducation des mérinos. Il suffit, pour le présent, de faire connoître aux cultivateurs qu’il est de leur intérêt de remplacer leurs mauvaises races de moutons par celle des mérinos.

Nous citerons pour exemple le troupeau de Rambouillet, puisque les faits qui le concernent sont publics et bien constatés. On sait que le prix moyen de ces animaux a été, depuis plusieurs années, porté, dans les ventes publiques qui ont lieu dans cet établissement, à 200, 300 et 400 francs par individu, et que plusieurs animaux ont été vendus jusqu’à 500 ou 600 francs, et même au delà.

Les laines de cet établissement ont obtenu, dans le commerce, un prix égal à celui des laines superfines d’Espagne.

La réputation bien méritée dont jouit Rambouillet doit nécessairement donner aux produits de son troupeau une plus haute valeur qu’à ceux des particuliers ; aussi les bénéfices de ceux-ci sont-ils inférieurs ; on doit néanmoins les regarder comme très-considérables, puisqu’il n’existe dans ce moment, en France, aucune branche d’économie rurale aussi lucrative, et qui donne aux capitaux un intérêt plus élevé. Les propriétaires des départemens où l’éducation des mérinos commence à s’étendre, vendent communément les agneaux de deux ans, de 100 à 150 francs ; et le prix de leurs laines égale à peu près celui des laines ordinaires d’Espagne. Que l’on compare, d’après ces données, la différence entre les bénéfices d’un troupeau de mérinos et ceux d’un troupeau ordinaire, et l’on se convaincra facilement des grands avantages qu’offrent les premiers.

§. VI. Préjugés qui nuisent à l’éducation des mérinos. Il est vrai que les cultivateurs, qui élèvent des mérinos dans les départemens où les anciens préjugés contre cette race existent encore, se voient forcés de céder leurs animaux et leurs laines à des prix bien inférieurs ; mais les bénéfices auxquels on est réduit, dans ce cas, sont néanmoins assez considérables pour attirer l’attention de tout cultivateur qui sait spéculer. D’ailleurs, cet inconvénient sera moindre de jour en jour : l’exemple, l’intérêt et l’instruction ne tarderont pas à le détruire en totalité.

On pourra objecter, en outre, que ces bénéfices cesseront lorsque le nombre des mérinos se sera accru dans de certaines proportions ; ils diminueront, sans doute ; mais cette diminution n’empêchera pas que la race des mérinos ne soit préférable aux autres, par la raison que la laine fine aura toujours, dans le commerce, un prix très-supérieur aux laines communes ; et que les mérinos donnent au moins deux ou trois fois plus de laine que nos moutons indigènes.

Les personnes qui ont une aversion irréfléchie pour tout genre de nouveauté ont fait naître depuis long-temps une foule de difficultés, capables d’affoiblir l’intérêt que tout patriote éclairé doit prendre à la propagation d’une race aussi précieuse