Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/374

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Ces expériences, repétées plusieurs fois, ont toujours présenté les mêmes résultats ; elles confirment l’observation des brasseurs, qui nous apprennent que, de tous les grains qu’ils traitent, il n’y en a point qui consomme plus d’eau au trempoir, qui se renfle davantage, et ait une saveur plus sucrée que l’orge ; mais la cuisson qui s’opère sur les grains entiers, et celle qu’ils subissent lorsqu’ils sont plus ou moins divisés, n’offrent pas de différences assez sensibles pour s’y arrêter. Je crois avoir seulement observé que les premiers ont une saveur plus marquée, et donnent plus de corps à l’aliment.

Mais, si le riz paroît réunir à l’avantage de crever facilement, celui de former, dans toutes ses parties, un aliment également consistant, l’orge au contraire se laisse plus difficilement pénétrer par l’eau, et absorbe davantage. L’eau, en formant un mucilage avec la portion de farine qui s’échappe de l’intérieur du grain, perd d’autant plus de son énergie, qu’elle en est plus saturée ; l’orge ainsi gonflée, s’écrase entre les doigts à l’aide d’une légère pression, et garde assez de consistance pour nécessiter une mastication longue, vu que chaque grain se trouve plus enveloppé d’une bouillie épaisse, plus muqueuse que celle du riz. Peut-être cette différence est-elle à l’avantage de l’orge, qui est forcée, par ce moyen, de s’imprégner des sucs salivaires, et d’acquérir dans la bouche une modification qui la dispose favorablement au travail de la digestion. Quelque facile que soit l’opération d’amener le riz, à l’état de riz crevé, la plupart des cuisiniers, d’un certain ordre, s’y prennent mal pour l’exécuter ; ils emploient trop de chaleur, une surabondance d’eau, et se servent d’un vase sans couvercle ; d’où il suit que le fluide, réduit en vapeur, s’échappe sans avoir opéré la plénitude de ses effets ; tandis que quand il est fermé, et que la chaleur est médiocre, cette vapeur, refoulée sur le grain, en pénètre insensiblement toutes les parties, et leur fait occuper plus de place, en quoi consiste ce qu’on appelle improprement riz crevé. Mais le grain, dans cet état de ramollissement et de gonflement, n’est pas encore cuit ; il faut que l’eau, qui le pénètre de toutes parts, s’y combine au moyen d’une chaleur douce et soutenue. Cette combinaison devient importante pour produire l’effet alimentaire. C’est ainsi que les substances farineuses, évidemment fades, acquièrent de la saveur sans addition d’aucun assaisonnement étranger. Nous avons déjà vu que le riz se gonfle plus facilement que l’orge, et qu’il exige moins de temps pour crever : mais une remarque essentielle, c’est que malgré son état sec et corné, il n’absorbe pas autant d’eau pendant la cuisson. Ces différences, à la vérité, sont trop légères pour ne pas suivre, dans la préparation de l’un et l’autre grain, le même procédé : il consiste à prendre l’orge mondé, qu’on a eu soin d’éplucher, comme le riz, pour en ôter les petites pailles ou la portion d’écorce que le moulin auroit pu laisser ; on le lave à l’eau chaude, puis on le met dans un vase couvert, avec un peu de véhicule quelconque, soit du lait ou du bouillon ; on expose le vase à une douce chaleur, on renouvelle le véhicule. Quand l’orge est crevée, on y en ajoute pour la cuire plus ou moins long-temps : on la mange ainsi ; et quand on veut la passer à travers un linge ou un tamis, ans cet état liquide, c’est le clair d’orge, comparable à la crème de riz.

Quoiqu’il n’existe pas encore une suite d’expériences assez concluantes pour établir le degré de nutrition du riz, comparé à celui de l’orge mondé, il n’est pas douteux que ces deux grains se comportant à peu près de la même manière, relativement à la quantité d’eau qu’ils absorbent, et à la consistance qu’ils acquièrent