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à-dire ceux destinés aux semis, seront subdivisés en planches de six pieds de large, séparées par des sentiers d’un pied. Ici, chaque espèce de pépinière commence déjà à exiger des opérations préliminaires différentes. Ainsi, dans celles destinées aux arbres forestiers et aux arbres fruitiers, où l’on ne craint ni le froid, ni le chaud, on n’a plus qu’à semer ou planter ; mais, dans celles des arbres étrangers et des arbres verts où l’on a à redouter tantôt les gelées et tantôt la trop grande force des rayons du soleil, il faut, au préalable, faire des abris pour garantir les jeunes plants, et même souvent les vieux, des inconvéniens qui seroient la suite de l’action de ces deux causes.

Pour ne point mettre de la confusion dans mon travail, je traiterai séparément des quatre natures de pépinières, quoique réellement on ne puisse pas établir, même en théorie, une ligne de démarcation entr’elles, et qu’il soit très-rare qu’on cherche à les isoler dans la pratique. Je parlerai donc successivement des soins et des travaux qu’exigent les pépinières des arbres forestiers, des arbres fruitiers, des arbres d’agrément et des arbres verts. J’éviterai d’entrer dans des détails d’application, pour ne pas être exposé à répéter ce qu’on peut trouver aux articles particuliers de chaque espèce, répandus dans le corps de cet Ouvrage, et les procédés communs à toutes les pépinières ne seront décrits qu’une seule fois, mais mentionnés avec indication du lieu du renvoi, dans toutes les circonstances où cela sera nécessaire.

Pépinière d’arbres forestiers. De toutes les espèces de pépinières, celle des arbres forestiers est la plus facile à former. Elle n’exige que peu d’instruction et de soins dans celui qui la dirige ; cependant sa réussite dépend de beaucoup de circonstances que l’homme le plus attentif ne saisit pas toujours. Aussi voit-on peut-être plus de mécomptes dans les spéculations qui les ont pour objet, que dans celles qui sont fondées sur des procédés plus savans ou plus délicats.

C’est principalement par des semis qu’on établit les pépinières forestières. Les chênes, les frênes, les charmes, les érables, les bouleaux, les hêtres, les châtaigniers, les cormiers, les coudriers, etc., ne se multiplient guères que par ce moyen ; cependant il est quelques espèces, telles que les tilleuls, les platanes, les buis, etc., qu’il est plus court de se procurer par marcottes, et d’autres que leur facilité de reprendre de bouture engage toujours de multiplier par ce moyen, tels que les peupliers, les saules, les aulnes, etc.

Comme c’est sur la bonne qualité des graines que se fondent les espérances de succès, lorsqu’on entreprend de former une pépinière de cette sorte, il faut, en conséquence, choisir les plus belles, les plus mûres, et ne pas craindre des frais pour se les procurer telles ; et, comme la plupart mûrissent à des époques différentes, il faut être attentif pour ne les pas manquer ; car souvent, il est difficile de les trouver à acheter, et il est toujours nuisible de le faire, soit sous le rapport de l’économie, soit sous celui, à mes yeux plus important, de la qualité.

Il est des graines d’arbres qui demandent à être semées immédiatement après leur maturité ; il en est d’autres qui peuvent attendre le printemps suivant, et quelques unes qui conservent plusieurs années leur faculté germinative. Cela tient à la nature de leur périsperme qui est, ou imprégné d’une huile susceptible de rancidité, dont l’acide réagissant sur le germe détruit son principe vital, comme dans la noix, la faîne, etc., ou formé d’une substance cornée qui, une fois desséchée, n’est plus susceptible de s’imbiber de l’eau nécessaire au développement du germe, comme dans le gland, la châtaigne, etc. Toutes les graines parviennent plus tôt ou plus tard, selon leurs espèces, et suivant la situation où elles se trouvent, à un de ces deux états. Je dis suivant la situation où elles se trouvent, parce que la chaleur accélère beaucoup la rancidité des graines huileuses, et, l’exposition à l’air, le dessèchement de celles qui ne le sont pas. Ainsi on peut les conserver plus long-temps, lorsqu’on prend les précautions convenables. Les graines qui sont renfermées dans une pulpe sont celles qui se conservent généralement le moins ; celles qui le sont dans une capsule perdent plus lentement leur faculté germinative, lorsqu’on les laisse dans cette capsule.

En général, il est bon, quand on le peut, de semer les graines au moment même de leur récolte ; la nature agit ainsi, et l’on ne se trompe jamais lorsqu’on la suit ; cependant, comme la plupart de ces graines sont recherchées par les animaux sauvages, il est quelquefois préférable de les tenir accumulées dans des fosses ou sous un tas de terre ou de sable pendant tout l’hiver, pour ne les semer qu’à l’époque de leur germination. Il est même quelques pépiniéristes qui attendent que cette germination soit déjà commencée, pour y procéder ; mais ils ont, la plupart, pour but de pouvoir pincer la radicule, afin que leurs arbres n’aient point de pivot. Cette méthode, utile dans quelques circonstances, doit être généralement réprou-