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les branches couchées et coupées pour la reproduction) plutôt que celles des semis, toutes les fois qu’ils le peuvent, quoique cette dernière soit certainement la meilleure sous tous les rapports.

Comme on fait généralement peu de marcottes dans les pépinières forestières, le tilleul et le platane étant presque les seuls arbres qu’on y élève par ce moyen, encore n’est-ce que pour suppléer au manque fréquent de la germination de leurs graines, je remettrai à en parler à l’article des pépinières d’arbres d’agrément, où l’on pratique fréquemment ce mode de reproduction. Je me bornerai donc ici à parler des boutures.

C’est principalement pour multiplier les espèces de la nombreuse famille des peupliers et des saules, que l’on emploie les moyens des boutures ; mais les espèces de plusieurs autres genres s’y prêtent également.

La base de l’opération consiste à couper des branches après l’hiver, avant le développement des bourgeons, et à les enfoncer plus ou moins en terre ; mais elle est soumise à plusieurs modifications, à raison de la nature des espèces. Ainsi il est quelques unes de ces espèces, comme le saule blanc, qui réussissent, lors même qu’on emploie des pousses de trois ou quatre ans, qu’on appelle plançons ; d’autres, comme le peuplier blanc, qui ne reprennent sûrement qu’autant qu’on fait usage de la pousse la plus nouvelle coupée avec une portion du bois de l’année antécédente. On appelle ces dernières crocettes, et ce sont celles qu’il est, en général, le plus sûr d’employer, parce que le vieux bois fait l’office de bourrelet et augmente, par conséquent, les chances de la reproduction, comme on le verra plus bas.

On est assez généralement dans l’usage de couper la tête aux boutures en les mettant en terre, mais l’expérience prouve que cette méthode est nuisible ; et en effet, si les arbres vivent autant par leurs feuilles que par leurs racines, et si ces dernières sont produites dans une bouture par la sève descendante, c’est folie que de diminuer le nombre des feuilles, en ne laissant que deux ou trois des boutons qui doivent en donner. Il n’y a qu’un cas où ce soit bon, c’est lorsqu’on plante une très-grosse bouture, un plançon de saule, par exemple, parce qu’il y a assez de sève dans la tige pour produire des racines, et qu’il ne peut pousser assez de racines la première année, pour suffire à la nourriture des branches. Au reste, ce que j’ai dit relativement aux cas où on doit se permettre de couper la tête des plants, s’applique complètement ici.

Les boutures se mettent en terre soit dans un trou fait à l’aide d’un plantoir, soit dans une fosse faite avec la bêche ou la pioche, soit dans une tranchée fort prolongée. Ces trois moyens réussissent également, lorsqu’ils sont convenablement mis en usage ; mais le dernier est préférable sous beaucoup de rapports, comme je le prouverai dans un instant.

Lorsque j’ai dit qu’un trou fait avec un plantoir étoit aussi bon que celui fait à la pioche, j’ai entendu qu’il étoit fait dans un terrain parfaitement meuble ; car les plantations de saules, sur les berges des fossés, qu’on fait généralement avec un plantoir de bois ou de fer enfoncé à coups de maillet, ne valent absolument rien, à raison de la compression ou du tassement produit dans la terre, tassement qui empêche ou au moins retarde le développement des racines, comme je l’ai déjà dit.

La plantation faite à la pioche peut, lorsqu’on le veut, se rapprocher de celle faite dans une tranchée ; mais alors elle est aussi longue, et par conséquent aussi coûteuse. Les avantages de cette dernière proviennent principalement, 1°. de ce qu’au lieu d’y placer la bouture perpendiculairement, comme dans celle au plantoir, on peut la coucher, lui faire faire un coude ou même un angle ; 2°. À ce que la terre dont on la recouvre est complètement meuble, et par conséquent fort propre à donner entrée aux foibles racines qui se développent d’abord sur la branche, ainsi que le prouve l’expérience.

Toute racine peut devenir branche, et toute branche racine, lorsqu’elle est mise dans une situation convenable. Toute racine s’augmente annuellement par le développement de nouveaux suçoirs, comme toute branche par celui de ses bourgeons ; la sève qui se trouve dans une branche peut agir indépendamment de celle des racines, lorsqu’elle éprouve seule les influences de la chaleur et de l’humidité ; toutes les fois que cette sève est interceptée, soit dans son ascension, soit dans sa dissension, il se forme un bourrelet à l’endroit de la ligature, et il se développe plus ou moins de bourgeons surnuméraires dans le reste de son étendue.

Ainsi, lorsqu’on coupe une racine et qu’on met à l’air son gros bout, la sève qui continue à monter développe une branche à ce bout, et il en provient un arbre.

Ainsi, lorsqu’on met une branche en terre, la sève continue à descendre, forme un bourrelet à son extrémité, et développe des suçoirs qui deviennent des racines.