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il suffit d’avoir vécu quelques années dans les pays à cidre, où des cantons entiers perdent tous leurs arbres par l’effet d’un ouragan de quelques heures, pour pouvoir citer des faits en faveur de mon opinion, qui est également celle de tous les hommes éclairés qui pratiquent l’agriculture.

Il est assez rare qu’on coupe la tête au jeune plant des arbres fruitiers en les repiquant ; on réserve ordinairement cette opération pour la seconde année, encore est-ce dans l’intention de l’exercer seulement sur les sujets qui ont poussé irrégulièrement, ou dont la végétation est foible ; et, en cela, on agit conformément aux principes de la plus saine physique

Dans les pépinières d’arbres fruitiers, comme dans celles des arbres forestiers, on effectue le repiquage de trois manières ; et, comme dans ces dernières, on doit préférer, à celui au plantoir, celui fait à la pioche, dans des trous particuliers, ou dans de longues tranchées ; et ce, avec d’autant plus de raison, que le plant, me devant pas rester aussi long-temps en place, peut être un peu plus rapproché, c’est-à-dire à dix-huit ou vingt pouces.

Pendant le cours de la première année du repiquage, on ne donne que deux binages ou serfouissages, et des sarclages au besoin ; mais, la suivante, outre ces façons, on met sur un brin les pieds qui ont poussé plusieurs tiges, et on rabat ceux qui en ont poussé de trop irrégulières, ainsi que ceux qui annoncent, par une végétation languissante, qu’il n’y a pas de proportion entre la tige et les racines. Ces opérations se font comme pour les arbres forestiers, et avec les mêmes précautions.

Au commencement du printemps de la quatrième année, on ôte tous les talons des pieds qui ont été recépés, et on met des tuteurs à ceux qui prennent une mauvaise direction ; ensuite on donne un léger labour, ou à la bêche, ou à la pioche.

Les tuteurs, comme tout le mone le sait, sont destinés à protéger les jeunes arbres, à qui on a mal à propos coupé le pivot, contre l’action des vents, ou à assurer une greffe nouvelle qui pourroit être décollée par la même cause, ou enfin à redresser une tige tortue, ou qui prend une mauvaise direction. On en fait usage dans toutes les espèces de pépinières ; mais, comme ils coûtent ordinairement beaucoup, on les ménage le plus possible dans celles d’arbres fruitiers. Les conditions qu’on désire trouver en eux, c’est qu’ils soient droits, et d’un bois qui pourrisse difficilement. Ceux de châtaignier, ou de chêne refendu, sont préférables à tous les autres. Quand le robinier, faux acacia, sera assez multiplié chez nous, ce sera la meilleure essence de bois qu’on pourra employer à cet usage : ils dureront six fois plus que ceux de chêne. Lorsqu’on les place, il faut que ce soit de manière à ne blesser ni les racines, ni la tige du plant qu’ils sont destinés à soutenir. C’est à l’expérience à en trouver les moyens : entrer dans des détails, à cet égard, seroit mésuser de la patience du lecteur.

Dans le courant de chaque été, on tord tous les bourgeons qui se trouvent sur les tiges, et on arrête la croissance en hauteur, des tiges mêmes, en coupant à six ou sept pieds de terre de celles de ces dernières qui ne l’ont pas été la seconde année.

À la cinquième année, les arbres sont faits, et on peut les greffer en fente ; mais quelques pépiniéristes attendent la sixième année pour cette opération. Les raisons qu’on donne pour ou contre sont également bonnes, quand on considère quelques circonstances de localités ou de convenances, indépendantes des autres ; et, en définitif, il devient réellement indifférent, dans la plupart des cas, de la faire plus tôt ou plus tard. Il faut donc en abandonner la détermination à celui qui y a le plus d’intérêt. Il suffit qu’on fasse ses greffes en temps convenable, qu’on les choisisse de bonne nature, et qu’on préfère les espèces les plus parfaites aux inférieures, pour n’être pas dans le cas de mériter des reproches. Cependant, quand on attend trop long-temps pour entreprendre cette opération, on court risque de la manquer souvent ; mais il est rare que les pépiniéristes la fassent plus tard que la sixième année : ce sont les particuliers qui ont planté des sauvageons, ou des francs en place sur leurs terres, qui se donnent souvent ce tort.

Lorsqu’une greffe en fente a manqué, on n’a d’autre ressource que de la faire plus bas l’année suivante, ou d’en faire plusieurs, en écusson, sur deux ou trois des forts bourgeons qui ont poussé près de son sommet. Cette manière, qui commence à prévaloir dans les pépinières bien dirigées, a, entr’autres avantages, celui de ne pas affoiblir la valeur réelle de l’arbre ; car il est reconnu que, plus la greffe est basse, quelle que soit d’ailleurs la vigueur du sujet, et moins l’arbre en plein vent acquerra de beauté et de durée.

Lorsqu’on a coupé plusieurs fois ras de terre un arbre dont la greffe n’a pas réussi, on dit qu’il est reboté : dans ce cas, il ne devient jamais beau, vit moins long-temps, et est par conséquent dans le cas d’être rejeté par les