Le temps de la ponte arrivé, le mâle choisit le boulin qui lui convient le mieux, ensuite il s’occupe avec sa femelle à rassembler quelques menues branches ou des brins de paille, pour en composer un nid plus ou moins travaillé, suivant les espèces. Le mâle a coutume de le garder le premier et d’inviter la femelle à s’y rendre ; il emploie pour appel un son plein, plus bas que le roucoulement ordinaire. À l’approche de sa compagne, il témoigne sa sensibilité par des battemens d’ailes, auxquels elle répond de la même manière, et le couple pressé sur le nid, semble jouir d’avance du plaisir de soigner les petits qui doivent naître.
La femelle garde le nid dans la journée, et y couche une ou deux nuits avant de pondre ; le premier œuf étant pondu, elle le tient chaud, sans néanmoins le couver assidûment ; elle ne commence à couver constamment qu’après la ponte du second œuf, de manière que pendant dix-sept ou dix-huit jours, la femelle reste dessus depuis trois heures après midi jusqu’au lendemain vers les onze heures, que le mâle prend sa place et couve les œufs avec la même assiduité ; il semble réunir le sentiment de la paternité à l’amour conjugal.
Quels que soient la qualité de la nourriture des pigeons et les soins qu’on leur, donne, il arrive souvent que les œufs sont clairs, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas fécondés ; quand on s’en apperçoit, il faut les ôter de dessous la couveuse, leur substituer, si l’on veut, ceux d’une autre paire dont on veut multiplier l’espèce, sans quoi le temps qu’ils emploîroient à couver ces mauvais œufs seroit entièrement perdu, tandis que ceux dont on a enlevé les œufs pondent au bout de huit à dix jours. —
Aussitôt que les pigeonneaux sont ressuyés, le père et la mère en prennent un égal soin, et ils les nourrissent tous deux d’alimens à demi-digérés comme de la bouillie ; le grain qu’ils leur dégorgent a subi, dans le jabot, un ramollissement, une macération, une digestion plus ou moins avancée ; c’est une sorte de pulpe, une véritable bouillie ; mais peu à peu ils leur donnent une nourriture plus solide ; c’est du grain qu’ils ont avalé plus promptement, qu’ils leur soufflent après l’avoir ramolli selon le degré de l’âge des pigeonneaux.
Dès que les pigeonneaux sont en état de voler, les père et mère les chassent du nid, et les obligent de pourvoir eux-mêmes à leur nourriture. Ils sont fort long-temps à apprendre à chercher, à ramasser eux-mêmes le grain, et suivent encore bien du temps le père et la mère après qu’ils sont en état de voler ; lors même qu’ils ont acquis tout leur développement, ils en reçoivent encore la nourriture ; il faut, pour leur en faire perdre l’habitude, que leurs parens soient occupés d’une nouvelle couvée.
Le pigeon ne paroît pas aussi dévastateur des champs, que beaucoup d’écrivains se le sont imaginé, et il a été bien calomnié. Ceux-qui ont eu l’occasion ou la patience d’étudier leurs mœurs, ont été bien étonnés de leurs habitudes, en lisant les cahiers de la plupart des villes qui demandoient la suppression des colombiers. Heureusement que l’Assemblée Constituante, plus sage que leurs demandes, a décrété que le droit exclusif des fuyes et colombiers est aboli, et que les pigeons seroient renfermés aux époques fixées par les commissaires. Durant ce temps, ils seront regardés comme gibier, et chacun aura le droit de les tuer sur son terrain. Comme cette loi, qui a été rendue depuis la publication du volume du Cours complet où il s’agit du colombier, ne peut pas remplir tous les intérêts qu’on a voulu concilier, j’ai cru devoir présenter les considérations