Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/514

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

se cailler ; il suffit pour cela de lui faire éprouver un léger degré de chaleur : dans l’été, il acquiert souvent la propriété de se cailler spontanément, en moins de six heures, lorsqu’on le met sur le feu. On conçoit d’après cela que, si on opéroit sur du lait de cette espèce, il ne faudroit plus attribuer sa coagulation à l’influence du caille-lait qu’on y auroit mêlé.

Une chose bien étonnante, c’est que, depuis Dioscoride jusqu’à nous, il ne se soit pas trouvé un seul auteur qui ait même osé élever quelques doutes sur la propriété du caille-lait ; aussi est-on en droit d’en conclure que tous les auteurs se sont copiés servilement, et que c’est ainsi qu’ils ont transmis une erreur qu’une seule expérience auroit pu si facilement détruire. Que d’exemples, en physique et en chimie, ne pourroit-on pas citer de pareilles fautes qui tiennent à la même cause !

Mais ce que ne produit pas le caille-lait, les fleurs d’artichauts et de chardons le font d’une manière très-marquée : il suffit de mêler une infusion assez forte de ces fleurs, ou même de les mettre en substance avec du lait, pour déterminer la coagulation.

Une circonstance singulière, c’est que, si on fait infuser ces fleurs à l’eau bouillante, au lieu de les laisser macérer à l’eau froide, elles perdent entièrement la propriété coagulante, et la possèdent au plus grand degré, si le lait employé est très-chaud. Cette observation suffit pour faire voir qu’une simple infusion peut changer la vertu d’une plante.

Les jeunes animaux de la classe des ruminans ne sont pas les seuls qui puissent fournir une substance douée de la vertu coagulante : la liqueur contenue dans l’estomac, l’estomac lui-même d’une foule d’êtres qui vivent de chair, de poissons, d’insectes, de grains et d’herbes, possèdent également cette vertu à un degré assez intense, pour qu’on puisse quelquefois en tirer parti.

On a prétendu que la propriété coagulante de la présure, et d’une foule d’autres matières qui peuvent la suppléer, dépendoit d’un acide à nu qu’elles contenoient : mais il est facile de prouver la fausseté de cette assertion ; car un mélange de présure et de potasse, dans lequel cette dernière étoit en excès, ajouté à du lait, a produit un coagulum absolument semblable à celui résultant des mêmes quantités et espèces de lait, auquel on avoit ajouté une portion égale de présure pure.

D’ailleurs, le sucre, l’amidon et la gomme, ne font pas, dans ce cas, les fonctions d’acide, puisqu’il est démontré qu’ils n’en contiennent pas de développé, et que celui qu’on parvient à obtenir avec eux est toujours le produit d’une nouvelle combinaison qu’on leur a fait éprouver. Or, assurément, les gommes et le sucre ne contiennent pas d’acide à nu : on est donc forcé de convenir que le principe coagulant n’appartient pas exclusivement aux acides.

Quels que soient, au reste, les intermèdes employés à la coagulation du lait, on voit que leur action s’exerce d’une manière plus ou moins marquée sur la substance caseuse ; les uns agissent fortement sur elle, et s’expriment, pour ainsi dire, en un instant ; d’autres, au contraire, lui conservent une sorte de mollesse, qu’elle ne perd qu’après beaucoup de temps : dans l’un et l’autre cas, la saveur du sérum, ainsi que celle de la matière caseuse, présentent des différences bien sensibles. Cette seule observation sert à prouver qu’il ne faut pas employer indifféremment tous les agens, lorsqu’on veut coaguler du lait dont on a l’intention d’examiner les produits, car on ne pourroit acquérir les connoissances qu’on désire se procurer.

Il existe donc une multitude de sub-