Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/549

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able et fort recherché. Mais, de toutes les espèces de rhubarbes connues, il paroît que le raponticum et l’undulatum sont les plus faciles à cultiver. Le compactum est le plus délicat ; il supporte difficilement le soleil, et perd plus tôt ses feuilles.

Toutes les espèces de rhubarbes ont été cultivées par M. Leneveu, professeur de botanique à l’hôpital militaire d’Instruction de Strasbourg ; il a remarqué que la végétation du raponticum et de l’undulatum s’est annoncée au mois de mars, à la même époque ; que huit à dix jours après, a paru le compactum, et que le palmatum ne lui a donné de pousses que quinze jours après le compactum, c’est-à-dire la variété de la rhuharbe de Chine. Ces différens individus avoient été semés la même année, et cultivés dans le même sol. Le raponticum, comme l’on sait, est bien inférieur en propriétés ; mais c’est une erreur de croire que le palmatum ne porte pas de graines dans notre climat ; il a donné, en l’an II, des semences très-fertiles, à Strasbourg et à Landau, qui ont levé dans la même année.

Il paroît que l’on peut avoir des variétés du palmatum ; car, par les semis que M. Leneveu en a faits, les feuilles de quelques individus n’avoient plus la forme palmée. Il pourroit arriver que ce fussent des espèces hybrides ; car, d’après l’opinion de plusieurs botanistes, les diverses rhubarbes ne sont pas encore bien caractérisées. Une espèce peut féconder l’autre avec facilité ; il faut avoir soin de les tenir éloignées pour ne pas avoir d’espèces hybrides. Sans doute, la rhubarbe du commerce se retire de plusieurs espèces, de l’undulatum, du palmatum, et peut-être du tartaricum. M. Faujas, professeur au Muséum d’Histoire naturelle, en cultive plusieurs espèces, qu’il regarde comme étant à peu près de même nature. Il donne la préférence, pour les effets médicinaux, au compactum. Ses semences lèvent très-bien ; la jeune plante ne craint point les rigueurs de l’hiver dans nos climats.

On n’est pas encore d’accord sur l’espèce de rhubarbe qu’il convient de choisir de préférence, sur la nature du terrain le plus favorable à sa végétation, sur le temps que la plante doit rester en place, pour acquérir le volume et la qualité que ses racines doivent avoir, avant de procéder à leur extraction ; enfin, sur les différentes préparations qu’elles exigent pour être conservées et apportées. Toutes ces connoissances ne manqueront pas de s’acquérir, dès que quelques botanistes instruits en feront l’objet de leurs études et d’un travail suivi. Nous savons déjà que, dans nos climats, il faut à la plante environ cinq années pour prendre le maximum de sa croissance ; qu’il y a des racines qui pèsent jusqu’à vingt-cinq livres ; qu’elles sont plus spongieuses que fibreuses, d’une dessiccation difficile, à cause de l’état tenace et visqueux que donne à l’humidité la matière extractive qui s’y trouve en abondance, et qu’elles perdent, dans l’opération qui les amène à l’état où il faut qu’elles soient pour se conserver et être employées, les quatre cinquièmes de leur poids brut. Voici la description que Forster, dans ses Voyages au nord de l’Europe, donne du rheum compactum, qu’il a vu sur les lieux, d’où il est apporté aux Russes.

« Les feuilles ont communément deux palmes de longueur ; elles sont plus étroites vers le bas, et plus larges au sommet ; le bord de la feuille est recouvert d’une matière laiteuse ; les tiges qui supportent les feuilles sont vertes, et ont environ une palme et quatre pouces de largeur ; les feuilles elles-mêmes sont d’abord vertes ; mais elles deviennent ensuite jaunes, et s’étendent beaucoup sur le sol ; au milieu croît une tige, tout autour de laquelle il vient des fleurs de la forme d’une giroflée ; elles sont d’un blanc de lait, et ont une légère teinte de bleu ; l’odeur en est fort désagréable, en sorte que ces fleurs ne plaisent ni à l’odorat, ni à la vue.

» La racine a une ou deux, et même quelquefois trois palmes de long ; la couleur de l’écorce est un brun châtain. Ces racines sont grosses comme le bas de la jambe, et quelques unes comme le corps d’un homme. De la racine principale, il part un nombre considérable de très-petites racines qui s’étendent beaucoup dans la terre ; on les enlève, lorsqu’on veut couper en plusieurs morceaux la grande racine. Celle-ci est jaune intérieurement, avec beaucoup de veines rouges, et