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grosses dents, que le sanglier porte à la mâchoire supérieure, se nomment les grais, parce qu’elles usent par le frottement, et semblent aiguiser les défenses.

Pour distinguer si les traces que l’on rencontre dans une forêt sont d’un sanglier ou d’un cochon domestique, il faut remarquer que le sanglier pose la trace de derrière dans celle de devant ; qu’il appuie plus de la pince que du talon, et qu’il donne des gardes en marchant. (Les gardes du sanglier sont ce qu’on appelle os dans les bêtes fauves, c’est à dire les ergots.) L’allure du cochon présente des circonstances opposées ; d’ailleurs, sa sole est remplie de chair en dessous, et il écarte les pinces en marchant, au lieu que le sanglier les pose serrées quand il va d’assurance. En outre, le sanglier fouille la terre plus profondément que le cochon, et toujours devant lui et en face ; le cochon, au contraire, laboure de côté et d’autre. Les dégâts que ces deux animaux font dans une pièce de grains, servent encore à les reconnoître : le sanglier abat tout le grain autour de lui ; le cochon ne couche que celui sur lequel il passe.

Il ne suffit pas au chasseur de distinguer si les traces appartiennent au sanglier ou au cochon, il doit aussi juger de l’âge et du sexe de l’animal qui a laissé ces mêmes traces. Le sanglier mâle a plus de poids devant que derrière, il met toujours sa trace de derrière en dehors de celle de devant, à cause de ses suites ou testicules, qui le forcent à tenir les cuisses un peu plus écartées. La laie a la trace plus longue, les pinces plus aiguës, le talon moins large, les côtés tranchans, les gardes aussi tranchantes et près l’une de l’autre ; elle est plus haut jointée, et sa jambe est moins large que celle du sanglier. Une bête mâle de compagnie a les pinces grosses, donne de ses gardes en terre et commence à les tourner à son tiers an ; elle devient alors plus bas jointée, ses gardes s’élargissent, s’abaissent, s’écartent davantage ; son talon prend aussi plus de largeur et ses pinces deviennent plus grosses et plus arrondies. Les quartaniers et autres vieux sangliers ont les traces grandes et larges, les pinces de celles de devant grosses et rondes, les tranches des côtés de la pince usées, le talon large, les gardes abaissées, grosses et ouvertes ; et l’intervalle qui est entre les gardes et le talon s’imprime sur la terre. Il y a des sangliers qui ont une pince plus longue que l’autre, on les nomme pigaches. La laie a la hure moins grosse, plus allongée et plus blanche que le sanglier ; elle porte toujours la queue basse en marchant, au lieu que le mâle porte la sienne en tire bouchon.

On peut juger aussi de la taille des sangliers par les Boutis, de même que par la grandeur de la Bauge. (Voyez ces deux mots.) La grosseur des laissées ou fientes sert aussi à donner des indications utiles.

Les forts les plus épais et les plus fourrés sont la sombre et ordinaire demeure des sangliers ; cependant ils s’approchent davantage, en été, de la lisière des bois, pour être plus à portée des champs couverts de moissons, des plantations de pommes de terre et de maïs, des prés et des vignes, où ils font leurs mangeures : les chaleurs de l’été, les forcent aussi à donner aux mares et aux souillards. À l’arrière-saison, ils vont près des futaies, où ils trouvent abondance de glands et de faînes ; mais l’hiver, ils restent enfoncés dans les bois, et ils y vivent de glands, de châtaignes, et d’autres fruits sauvages, de racines de cresson, qu’ils cherchent le long des ruisseaux, de vers et d’animaux morts. L’on a observé que quand les sangliers mangent beaucoup de faînes, ils deviennent méchans. On dit qu’ils vermil-