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Si ces saules étoient rassemblés, les deux cents têtes couvriroient un demi-arpent de terrain, en les y espaçant convenablement ; et malgré cette plantation, il rapporteroit encore de l’herbe ; s’ils sont dispersés, à peine font-ils quelque tort aux productions qui les avoisinent.

Nous avons ensuite calculé le produit d’un arpent de saussaie bien plantée et bien conduite, et nous l’avons comparé avec celui d’un arpent de taillis, placé dans un bon fonds. Nous avons trouvé qu’à l’âge de quatorze ans, le produit du premier étoit à celui du second, dans le rapport de 8 à 1. Ainsi les saussaies pourroient être, pour les petits propriétaires, ce que les bois sont pour les propriétaires plus riches, une source d’aisance et de revenu.

On peut planter avec succès les saules sur les bords des rivières, des ruisseaux, des étangs et des marais, sur les terres exposées aux inondations, les prés et les pâtures humides.

La France possède un grand nombre de localités où la culture du saule auroit le plus grand succès, dans plusieurs desquelles cet arbre est à peine connu ; dans d’autres, on en rencontre bien une certaine quantité, mais il est extrêmement rare d’y voir de grandes saussaies.

Il n’en est cependant pas de ces plantations comme de celles des pleins bois, ou d’arbres isolés, dont on ne peut pas espérer de jouir de son vivant.

Dans les plantations de saules, on travaille pour soi : leur première coupe se fait à quatre ans ; la seconde à neuf ans : celle-ci commence à donner un certain produit ; la troisième, à quatorze ans : le produit de cette coupe est quelquefois trois fois plus considérable que celui de la seconde ; la quatrième à dix-neuf ans : à cet âge les saussaies sont à leur maximum de produit ; et ainsi de suite, de cinq ans en cinq ans ; à trente ans, elles s’éclaircissent, si l’on n’a pas le soin de remplacer les saules à mesure qu’ils dépérissent.

Les saussaies, d’ailleurs, n’exigent pour ainsi dire d’autre entretien que le remplacement des saules qui dépérissent. Comment se fait-il donc que le désir naturel de voir augmenter sa jouissance personnelle, en faisant un léger sacrifice momentané, n’engage pas l’égoïste le plus froid à se livrer à cette spéculation ?

Il est vrai qu’en supposant un terrain convenable, toutes les localités n’offrent pas les mêmes avantages dans l’établissement des saussaies. Par-tout où le bois de chauffage est à vil prix, il n’y a point d’avantage à en établir ; lorsque la corde de bois vaut douze à quinze francs sur place, il sera profitable d’en établir, mais seulement pour son usage ; enfin, lorsque le bois de chauffage sera encore plus cher, on en fera une spéculation d’autant plus avantageuse, que le prix du bois sera plus élevé, et que la saussaie sera plus à portée d’un vignoble étendu ou d’une ville populeuse.

Après avoir établi les avantages que l’on peut retirer de la culture du saule, nous allons indiquer les moyens de la perfectionner.

Il faut que la manière dont on plante ordinairement les saules ne soit pas bonne, puisque sur cent plantards, il en reprend à peine vingt-cinq.

Voici les procédés que nous employons dans cette culture, et au moyen desquels nous n’en perdons pas deux sur cent. Il faut prendre les plantards sur des saules bien venans, et qui n’ont point été tondus depuis quatre jusqu’à six ans au plus ; plus âgés, les plantards ne reprendroient pas.

Ils auront neuf pieds de longueur, et quatre, cinq ou six pouces au plus de tour, au petit bout.

Ils seront coupés de chaque bout en bec de flûte, et leur coupe sera nette et sans fente. Les nœuds de la tige seront rasés de près.

Si on met quelque intervalle entre la coupe des plantards et leur plantation, il faut mettre tremper dans l’eau leur bout inférieur, afin de les empêcher de se dessécher ; mais il vaut mieux ne les couper qu’à mesure qu’on les plante.

Lorsque les plantards sont ainsi préparés, on prend un pieu plus gros qu’aucun des plantards à planter, que l’on enfonce dans la terre aux endroits marqués pour chaque