Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/608

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1°. Que les objets dont est composée la soupe aux légumes sont bons, chacun à part, mais que, réunis par leur combinaison avec l’eau, au moyen d’une cuisson lente, ils offrent un tout plus élaboré, plus homogène, plus économique et plus approprié à l’effet alimentaire.

2°. Que cette soupe, dont on peut infiniment varier la saveur et la consistance, est, dans toutes les périodes de la vie, susceptible de fournir à peu de frais, à l’universalité des consommateurs les moins aisés et de tout âge, une ressource alimentaire que nulle autre ne sauroit remplir aussi avantageusement.

3°. Qu’en accréditant son usage dans tous les établissemens publics où il s’agit de nourrir complètement, à bon compte et sainement, beaucoup d’individus soumis au même régime, ce sera un moyen assuré de maintenir, d’étendre même la culture de l’orge, des semences légumineuses et des pommes de terre, d’où résultera nécessairement une augmentation dans la masse des subsistantes.

4°. Que la nourriture principale, préparée pour 5 à 600 personnes à la fois, produira une épargne considérable sur les frais du combustible, de la main-d’œuvre, et réduira l’aliment au plus bas prix.

5°. Que la soupe aux légumes, préparée ainsi en grand, en commun, et adoptée dans tous les ateliers, opérera une diminution sur la consommation du pain de froment, et que l’excédant de nos récoltes en blé sera toujours une source de richesse pour la France, par le moyen de l’exportation sagement dirigée.

6°. Qu’enfin les hommes placés à la tête des grandes administrations doivent avoir pour objet spécial de multiplier les premières ressources alimentaires, et de soulager un plus grand nombre d’indigens sans une augmentation de dépense, et se bien pénétrer que la véritable aumône consiste à donner du travail et de la soupe aux légumes, et que les secours à domicile sont les plus puissans moyens de prévenir les funestes effets de la fainéantise et de l’encombrement des hôpitaux. (Parm.)


SPERGULE. Cette plante a déjà été décrite dans le neuvième volume du Cours, au mot Sporée ; mais une observation assez particulière, c’est qu’elle soit la seule espèce de la famille des morgelines qu’on ait essayé de rendre utile. Le Gentilhomme cultivateur parle cependant d’une autre espèce de spergule, qu’il nomme spergule de mer, à cause de son abondance dans les terres marécageuses voisines de la mer, et qu’il seroit également avantageux de cultiver : l’auteur observe, avec raison, qu’on devroit profiter de cette plante qui convient à tous les bestiaux d’une ferme, pour en couvrir une grande étendue de terrains vagues et inutiles sur le rivage de la mer. Des hommes dignes de foi assurent même, d’après l’expérience, qu’elle est plus nourrissante que la spergule commune, qu’elle croît aussi promptement et avec la même facilité.

Il paroît, d’après les incertitudes qui régnent dans les ouvrages des agronomes, relativement à la spergule, que l’opinion n’est pas encore fixée sur les véritables qualités de ce fourrage. Il y en a peu auxquels on ait prodigué plus d’éloges. Si on en croit les livres, cette plante offre à tous les animaux domestiques, sans exception, quadrupèdes, volatiles, insectes même, la nourriture la plus abondante, la plus appétissante, la plus salubre ; il n’en existe point qui donne autant de vigueur aux chevaux, de lait aux vaches, de graisse aux cochons, de miel aux abeilles, et qui favorise aussi promptement la ponte des oiseaux de basse-cour ; mais malgré tous ces avantages, la Hollande et la Flandre sont encore les seuls pays où cette plante soit cultivée en grand ; et quoiqu’on prétende que rien n’est plus commun en Allemagne que la spergule, Gilbert, dans son Traité des Prairies Artificielles, assure qu’elle y est maintenant fort rare ; il seroit donc essentiel, pour avoir des idées saines sur l’utilité réelle de cette plante, d’en suivre avec soin la culture dans les cantons où elle est adoptée, et d’observer, sans préventions, les circonstances qui précèdent ou accompagnent sa végétation.

La spergule étant une plante annuelle, et ne dérangeant en aucune manière l’ordre des cultures, on peut la semer sur les jachères et les chaumes, ou après une récolte hâtive, enfin à toutes les époques de l’année rurale, lorsqu’on ne la destine pas à grener, ou qu’on ne peut pas en faner l’herbe, mais en Flandre seulement, et dans les terrains qui ont quelque analogie avec ceux de ces cantons : dans les terres plus