2°. est de fait que les fibriles de certaines racines traçantes s’enfoncent souvent autant que celles de certaines racines pivotantes.
L’expérience prouve, de plus, que quelques espèces de plantes épuisent plus promptement les terres des sucs qui leur sont propres que d’autres ; par exemple, le blé, le colza, les pommes de terre et les pois sont dans ce cas. Les premières ont la racine pivotante, et les secondes l’ont traçante ; ainsi, ce n’est pas à cette circonstance qu’est due leur faculté effritante. Ce n’est pas davantage à leurs graines, puisque toutes en ont de nature différente ; que je reconnois, avec tous les physiologistes et les agriculteurs, que la maturité des graines, de quelques espèces qu’elles soient, produit éminemment cet effet, et les huileuses plus que les autres. D’un autre côté, nous voyons que les herbes des prés qui ont presque toutes des racines traçantes, et des semences analogues à celles du blé, et la rave ou turneps qui a une racine pivotante et une graine semblable à celle du colza, améliorent également le terrain.
En général, il est encore, en ce moment, très difficile de poser des bases théoriques rigoureuses sur tous ces objets ; mais l’expérience en a fourni de suffisamment approximatives pour pouvoir guider dans la pratique, et ce sont celles-là qui doivent se produire dans un livre de la nature de celui-ci.
J’ai dit plus haut qu’il n’étoit pas certain que l’effet principal des labours fût de ramener à la surface les sucs que les eaux pluviales avoient entraînés plus bas que la ligne où les racines des plantes céréales pénétroient : on peut me demander à quoi ils servent donc ? Je répondrai : principalement à diviser la terre et à la rendre par là plus perméable, 1°. à l’air qui doit se décomposer pour fournir du carbone ; 2°. à l’azote qui se produit par suite de la destruction des substances végétales ou animales qui s’y trouvent naturellement ou y ont été introduites ; 3°. à l’eau qui doit s’y accumuler, pour ensuite s’y décomposer également par l’action végétale des plantes qu’on y sèmera ; 4°. enfin aux racines encore foibles de ces plantes, lesquelles s’étendent facilement, et par conséquent augmentent d’autant plus le nombre de leurs suçoirs qu’elles trouvent moins d’obstacles pour s’enfoncer ou s’étendre.
On voit, par ce que je viens de dire, que les terres doivent être d’autant plus souvent labourées avant les semailles, qu’elles sont plus compactes, et que lorsqu’on laboure plus fréquemment qu’il ne convient, cela devient nuisible, en empêchant les décompositions précitées, et en favorisant l’évaporation de l’eau. L’expérience est ici d’accord avec la théorie.
On peut conclure, d’après cela, que le système des jachères qui multiplie les labours aux époques où la chaleur est desséchante au plus haut degré, doit être plus nuisible dans les terrains secs et légers, que dans ceux qui sont humides et gras, et que le système des assolemens, au contraire, est extrêmement favorable aux premiers, en ce qu’il ne les laisse jamais dépouillés de verdure au milieu de l’été, et qu’il ne comporte que des labours d’automne ; aussi est-ce sur eux qu’il produit les effets les plus marqués et qu’il est plus facile à mettre en œuvre. On en a eu des exemples dans un si grand nombre de contrées, qu’il est superflu d’en indiquer ici au plus grand nombre des lecteurs.
Ce n’est donc pas seulement dans les terres où se cultivent des céréales que l’on doit pratiquer des assolemens ; mais encore dans les jardins où, au reste, ils sont assez généralement établis, les vergers, les avenues, les routes et même les bois et les vignes, lorsqu’on se trouve dans le cas d’en profiter. Une pépinière doit y être rigoureusement assujettie, si on veut la voir prospérer : et comme la même espèce d’arbre reste souvent quatre à cinq ans dans la même place, il faut être encore plus rigoureux pour ne point faire succéder des espèces de même famille les unes aux autres ; à ne pas mettre, par exemple, des pommiers à la suite des poiriers, mais des arbres à noyaux, etc.
Pour bien combiner un plan d’assolement, dit Pictet, dans son excellent Traité des Assolemens, le seul que nous ayons en français[1], il faut avoir égard à un grand nombre de données qui varient selon les terres, le climat, le genre de culture du pays, le prix des denrées, la facilité des débouchés, etc. Le but final de l’agriculture étant le plus grand profit du cultivateur, sans doute que le meilleur assolement est le plus profitable ; mais il faut considérer ce profit d’une manière générale, dans une certaine suite d’années, relativement à la valeur croissante d’un domaine, et non par rapport à une ou deux années seulement. La bonne agriculture est prévoyante ; ainsi, tout pays où les baux sont à courts-termes ne peut pas avoir de bons assolemens ; de même que tout pays où les cultiva-
- ↑ Cet ouvrage, qui a beaucoup servi à la rédaction de cet article, se trouve chez Pougens, à Paris, et chez Paschoud, à Genève.