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avant le filage, les premières sont devenues très-blanches, approchant du blanc mat du coton, tandis que les deuxièmes conservoient toujours un œil terne et jaune, qu’on ne peut jamais leur faire perdre. Ces expériences répétées souvent, et de plusieurs manières différentes, m’ont constamment donné les mêmes résultats. Pour attaquer cette matière colorante, j’ai essayé le gaz sulfureux et l’acide sulfureux ; mais par aucun de ces deux agens, je n’ai pu donner à des laines désuintées en deux fois le même degré de blancheur qu’à celles qui dès la première fois l’avoient été complètement. Ces faits s’accordent très-bien avec les idées répandues dans le commerce et dans les ateliers où l’on pense généralement qu’une laine mal dégraissée ne peut plus l’être parfaitement, quels que soient les moyens employés.

Aussi, outre l’avantage d’éviter aux propriétaires une opération qu’ils n’ont presque jamais les moyens de bien exécuter, une double cause doit engager à conserver les laines en suint ; la première, pour les mettre à l’abri des insectes et des vers qui ne les attaquent que bien rarement dans cet état ; la deuxième, pour laisser à plusieurs arts qui se servent de laines blanches, les moyens de lui donner cette pureté et cet éclat auxquels elle ne peut jamais parvenir quand elle est déjà désuintée.

Je suis même persuadé que malgré tous les préjugés répandus contre cette méthode, et l’arrêt du 4 septembre 1714, tous les fabricans chercheroient tous les moyens de l’encourager, parce qu’ils trouveroient de grands avantages à acheter leurs laines en suint.

On verroit alors bientôt s’élever de grands établissemens destinés aux lavages des laines, et dans lesquels toutes les opérations qui y sont relatives seroient d’autant mieux exécutées, que l’intérêt des fabricans les forceroit à y exercer une plus grande surveillance.

Les substances qui peuvent agir sur le suint, sont l’urine, le savon, les alcalis. L’urine est plutôt employée pour dégraisser les laines filées que pour les désuinter ; car l’ammoniaque ne s’y trouve que dans des proportions bien variables, et elle n’a qu’une action très-foible sur le suint ; et les sels calcaires qui en font aussi partie, sont très-nuisibles à cette opération ; car, par l’effet d’un double échange, le savon animal est décomposé, et la chaux forme alors avec la matière grasse, un composé insoluble dont il est bien difficile de débarrasser les laines.

Des laines bien lavées dans leur suint et macérées ensuite pendant vingt-quatre heures avec un vingtième de leur poids de savon, perdent toute la matière grasse que le lavage n’avoit pu enlever ; elles deviennent très-blanches, et ne conservent plus qu’une légère odeur que l’exposition à l’air enlève assez promptement ; mais le savon de Flandre est celui que j’ai employé avec le plus d’avantage, il agit très-promptement, et donne aux laines un degré de blancheur que je n’ai pu leur faire acquérir par aucun autre moyen.

Il seroit à désirer que le bas prix des savons pût permettre de les employer dans les lavages en grand, car ils n’offrent ni les inconvéniens de l’urine, ni la trop grande activité des alcalis.

Les alcalis obtenus de la lixiviation des cendres, et ceux qu’en trouve dans le commerce, sont les agens les plus énergiques pour purifier les laines ; mais comme leur pureté et leur causticité ne sont jamais constans, on ne doit les employer qu’en très-petite quantité et avec beaucoup de précautions : outre cela, la matière grasse variant encore suivant les diverses qualités de laines, il est bien difficile de déterminer, d’une manière rigoureuse, les proportions des substances destinées à cette opération, attendu qu’il sera toujours très-avantageux d’y faire concourir l’eau du suint ; mais une livre ou une livre et demie de bonne potasse doit désuinter parfaitement un quintal de laine.

On a parlé si souvent de l’influence de l’eau dans les opérations de teinture et de blanchiment, que je ne crois pas inutile de dire un mot sur cet objet, d’autant plus que des circonstances particulières m’ont fourni les