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quelques heures à la température de quatre-vingts degrés dans plusieurs litres d’eau, ont donné une petite quantité d’une matière molle d’un brun noirâtre, dont l’odeur assez agréable peut être comparée à celle de l’extrait du réglisse. J’ai été d’autant moins étonné de trouver cette substance odorante dans le suint, que lors de mes premières expériences, dans lesquelles j’y ai démontré la présence de la potasse, j’avois déjà observé que, mêlé avec de l’ammoniaque, il m’avoit donné, après plusieurs mois, une odeur très-marquée de fleur d’orange. Au reste, ces faits s’accordent très-bien avec les opinions de plusieurs auteurs anciens qui, en parlant des propriétés médicales de l’œsype et de sa fétidité, conviennent cependant qu’après un temps fort long, elle est changée en une odeur agréable comparable à celle de l’ambre gris.

La matière animale abandonne à l’alcool une très-petite quantité d’une substance résineuse d’une couleur jaune assez agréable ; elle en est précipitée en flocons blancs assez abondans par l’eau et les acides. J’avois alors espéré pouvoir ainsi attaquer les extrémités jaunes des parties de laines placées sous les cuisses et sous le ventre des moutons ; mais elles n’ont pu être détruites ni par l’alcool, ni par la chaux vive, ni par les alcalis caustiques. Il paroît que le suint, accumulé dans cette partie, forme avec la laine une combinaison très-intime qu’on ne peut attaquer sans détruire le tissu. Ainsi la couleur jaune obtenue par l’action de l’acide muriatique oxigéné sur la laine et la soie, est une combinaison nouvelle formée à leur surface, et dont on ne peut les priver sans changer quelque chose à leur nature intime.

M. Vauquelin nous a donné, en fructidor an 11, une analyse complète du suint, dont voici, suivant ce célèbre chimiste, les principes constituans :

1°. Un savon à base de potasse qui en fait la plus grande partie.

2°. Une petite quantité de carbonate de potasse.

3°. Une quantité notable d’acétate de potasse.

4°. De la chaux dont il ne connoît pas l’état de combinaison.

5°. Un atome de muriate de potasse.

6°. Enfin une matière animale à laquelle il attribue l’odeur du suint.

Toutes ces substances, dit M. Vauquelin, sont essentielles à la nature du suint ; car il les a retrouvées constamment dans un assez grand nombre de laines de France et d’Espagne.

Dans le Mémoire que j’ai eu l’honneur de lire à l’Institut, en nivose dernier, sur l’effet en teinture des divers états des laines, j’ai fait voir que l’état de santé ou de maladie du mouton exerçoit une grande influence sur le suint et sur le degré d’affinité de la laine pour la matière colorante. Les quantités de suint et de potasse fournies par des mérinos bien portans, ont été constamment plus grandes que celles provenant d’animaux morts de la pourriture et attaqués de maladies de langueur.

L’affinité pour la matière colorante des laines de bêtes mortes et malades, a été aussi plus foible que celles des bêtes saines, quoiqu’elles provinssent toutes du même troupeau ; et dans la comparaison que j’ai pu faire en teinture de cette même laine mérinos de bête saine, avec nos plus belles laines peignées de France et de Hollande, elle a été constamment plus colorée.

Ces expériences, en démontrant que le suint et la potasse, qui en est un des principes constituans, augmentent ou diminuent dans les mérinos, suivant leur état de santé ou de maladie, nous font juger encore du rapport immédiat de cette substance à ces divers états, comme de son influence sur la beauté de leurs produits ; car ce seroit bien à tort qu’on le regarderoit comme leur étant nuisible, quand nous savons que l’augmentation de cette sécrétion n’a pu altérer la santé des animaux qui ont fait le sujet des belles observations de MM. Gilbert, Tessier et Huzard, sur l’allongement des laines, et quand tous les agriculteurs les plus célèbres s’accordent à proscrire tous les moyens qui tendent à les en priver, comme les longues pluies et les lavages à dos. Outre cela, le mérinos, qui est la plus