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de leur richesse. Ceux qui s’en seront occupés avec zèle et sagacité auront, d’un côté, l’avantage de travailler à leur fortune, et de l’autre, l’honneur de contribuer à la prospérité de l’État. (Ch. et Fr.)


VACHE ARTIFICIELLE, (Chasse aux oiseaux.) Il semble qu’un certain raisonnement apprenne à tous les oiseaux qu’ils n’ont rien à craindre, du bétail qu’ils voient pâturer dans les champs ; tandis qu’en général ils fuient à la vue de l’homme, comme s’ils sentoient que ce roi des animaux en est aussi, par là même, le plus actif et le plus dangereux ennemi. Mais cet instinct même est devenu, dans les mains de ce souverain, un nouveau moyen d’imposer aux plus méfians le tribut commun de la destruction, et bientôt l’homme superbe, mais avide, eut appris à cacher son orgueil et sa cupidité sous le vil déguisement d’une vache. Les chasseurs commencèrent d’abord par se mêler aux troupeaux. Du temps qu’ils n’étoient armés que d’arbalètes, ils s’y mêloient sans crainte et avec succès. Les armes à feu, dont le bruit pourroit épouvanter les animaux broutans, les forcèrent à faire bande à part ; mais ils cherchèrent au moins à se cacher sous leurs formes ; de là, vinrent les vaches artificielles.

On commença d’abord par attacher deux bâtons en X ; un troisième pointu passoit entre deux, et s’attachoit sur le croisement. Ce bâton servoit à ficher la machine en terre. Sur cette espèce de châssis, on tendoit une toile brune ou rousse. On figuroit, à un bout, une tête de vache, à l’autre on attachoit une queue de filasse ; et le chasseur, caché derrière cet appareil, avançoit pas à pas, faisant de son mieux la bête, et parvenait à s’approcher, à force de patience, du gibier qu’il guettoit, au moyen de deux trous pratiqués à un point convenable du châssis. Cette invention a long-temps servi, et, à ce qu’il paroît, avec succès, puisqu’elle est seule connue et recommandée des vieux auteurs qui ont écrit sur la chasse.

Mais comme cette image ne pouvoit qu’être très-grossière, on a senti la nécessité de la perfectionner. Le premier pas, vers ce but, a été de faire faire un bonnet de carton emboîtant toute la tête, et figurant exactement la tête de vache. Du bout des manches de l’habit, pendoient deux morceaux d’étoffe, taillés en forme de pieds de devant, et d’une couleur assortie à celle du reste du vêtement, laquelle devoit être choisie pour imiter le ton le plus commun de la peau des bestiaux. Enfin, on a porté le raffinement jusqu’à faire fabriquer un simulacre complet de vache, composé de deux pièces ou parties : la première représente le corps d’une vache, prise des épaules à la queue. Ce corps est formé d’une cage ou châssis de quatre morceaux de bois léger, de deux pouces d’équarrissage, assemblés par des traverses : cet assemblage doit être fait solidement et avec soin, pour qu’on n’entende pas le criaillement des bois, lorsqu’on porte cette machine. On ajuste, sur ce châssis, des cercles qui servent à arrondir la machine, et à lui donner la forme des flancs de la vache. À chaque extrémité inférieure du châssis, on attache deux jambes de derrière, faites de bois, ou, pour plus de légèreté, d’une espèce de fourreau de toile cirée, qu’on emplit de mousse. On recouvre toute la machine de toile peinte à l’huile, et imitant la couleur de la vache. On a soin d’attacher au cul une queue de filasse, aussi teinte convenablement. On sent que cette première pièce représente une vache ou bœuf, coupé un peu au dessus des épaules. C’est sur cette coupe, et après les traverses de bois qui soutiennent la masse de la machine, que sont attachées des courroies ou bretelles au moyen desquelles le chasseur charge le corps postérieur de la vache sur ses épaules. Il faut que ce corps soit, d’après cela, fait avec le plus de légèreté possible. Un homme trop grand auroit de la peine à se servir de cette machine. Il faudroit qu’il fût perpétuellement très-courbé. La tête de la vache est la seconde pièce du déguisement : la tête proprement dite est faite de carton, et peinte à l’huile : le col et le fanon sont de toile, et se placent l’un sur le col du chasseur, jusque par-dessus ses épaules ; l’autre descend jusqu’à son pantalon, et cache ses bras. Ce pantalon doit être d’une couleur assortie au reste du domino.

Il faut que ce domino soit ajusté de manière à ce que le chasseur découvre, d’un