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cile, au printemps et même jusqu’en vendémiaire, parce qu’alors tous les œufs qui sont dans le commerce n’ont pas une date bien ancienne ; les habitans des campagnes les apportent deux fois la semaine aux marchés des villes ; et ce n’est guères qu’à la seconde ponte, que l’idée de faire des provisions pour l’hiver, occupe les soins de la ménagère.

C’est en hiver qu’on met ordinairement les vins en bouteilles, après les avoir préalablement clarifiés ; alors les œufs frais sont rares, et par conséquent fort chers ; ceux qui existent dans le commerce ont au moins trois mois de ponte ; il faut donc redoubler de vigilance pour éviter d’employer les œufs qu’on soupçonneroit sentir la paille, car ce caractère ne devient souvent très-marqué que quand l’œuf est délayé et étendu.

Cependant, sur ce point il convient de s’entendre : quand on dit qu’un œuf sent la paille, c’est sans doute à cause de cette dernière matière dans laquelle on l’a conservé ; car il arrive souvent que quand cette matière est mouillée, elle fermente, les œufs s’y altèrent facilement, et prennent, au bout d’un temps plus ou moins long, ce caractère désigné sous le nom générique de goût de paille, quel que soit l’intermède employé à leur garde. À l’exception de l’incubation, à laquelle les œufs pondus par des poules, sans avoir eu communication avec les coqs, les œufs clairs (Voyez le mot Œuf, dans ce volume), c’est ainsi qu’ils se nomment, peuvent servir généralement à tous les autres usages ; non seulement ils sont aussi substantiels, aussi savoureux, aussi salubres que les œufs fécondés, mais ils méritent la préférence dans l’emploi de quelques procédés de celui dont il s’agit ici, par exemple : il seroit donc très-avantageux de ne se servir, dans la clarification des vins, que d’œufs non fécondés, privés alors du principe de la vie, et ne contractant pas aussi facilement de mauvais goût.

Pendant leur garde et dans leur transport, ils n’en communiquent aucun aux liquides collés et clarifiés par ce moyen. Arrêtons-nous maintenant sur la colle de poisson, considérée également comme agent de la clarification.

De l’ichtyocolle ou colle de poisson, et des matières propres à la remplacer dans la clarification des vins et autres boissons fermentées. La colle de poisson, comme l’on sait, est préparée avec l’estomac, la peau, la vessie, les intestins desséchés et roulés en cordes, du grand esturgeon, acipenser huso L. Mais ce que nos pêcheurs ignorent ou négligent trop, c’est qu’il est possible d’en préparer également avec presque toutes les parties de quelques espèces de plusieurs autres poissons ; car sans parler de l’excellente ichtyocolle que les Lapons savent extraire de plusieurs espèces de perches, perca L., les Russes en tirent aussi de tous les poissons du genre de l’esturgeon, tels que le strelet, l’étoile, le petit esturgeon, etc. On prépare l’ichtyocolle, en faisant bouillir la peau, les intestins nettoyés, la vessie natatoire, les nageoires, les membranes des esturgeons et de plusieurs autres poissons ; lorsque cette gélatine est épaissie, on la coule en plaques, qu’on roule ensuite, qu’on forme en lyre, et qu’on dessèche à l’ombre, pour la faire passer dans le commerce : telle est, au rapport de plusieurs voyageurs, et sur-tout de Pallas, la manière dont s’apprête cette colle. Les Anglais en font la consommation la plus considérable dans leurs brasseries de porter, et c’est d’eux que les Français et les autres peuples de l’Europe méridionale l’achètent pour coller leurs vins. L’exportation extrêmement forte de cette substance, en augmente beaucoup, le prix. (Nouveaux Voyages de Pallas dans les parties méridionales de l’empire de Russie, en 1794, tom. I.)

Dans son Histoire naturelle des Poissons, à l’article Acipensere, M. Lacépède dit : « qu’on peut très-bien imiter en Europe les procédés des Russes, pour la fabrication d’une matière qui forme une branche de commerce plus importante qu’on ne le croit, et je puis assurer que particulièrement en France, il n’est ni dans nos étangs, ni dans nos rivières, ni dans nos mers, presque aucune espèce de poisson dont la vésicule aérienne et toutes les parties minces et membraneuses ne puissent fournir,