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successifs et modérés ; si la gourme, cette crise salutaire indispensable dans nos climats, vient à paroître, elle sera disposée à être complète, et on la favorisera plutôt que de s’y opposer. (Voyez Gourme.) Ainsi nos chevaux seroient exempts d’une foule d’autres maladies qui ne sont dues qu’au mauvais régime du jeune âge, qu’au défaut de soins, ou aux soins mal entendus dans la suite.

Nous sentons bien que ceux des cultivateurs qui s’occupent de faire naître des poulains pour les vendre ne goûteront guères nos conseils. S’ils sont suivis, ce ne sera probablement que par ceux qui se décideroient à élever des poulains pour leur propre usage, et qui ont pour les bons chevaux un attachement, une sorte de considération et d’estime qui sont rares.


CHAPITRE VI.

Traitement curatif. Les saignées, les vésicatoires, les sétons, les purgatifs, etc., dont on fait souvent usage à contre-temps contre cette maladie, n’en changent pas toujours la marche, lorsqu’elle est une fois commencée, et sur-tout lorsqu’elle a paru plusieurs fois. C’est sans doute l’insuffisance de ces moyens qui a porté à conseiller de détruire un œil pour sauver l’autre.

Si les efforts qu’on a faits jusqu’à présent sont restés sans succès, c’est qu’elle n’a jamais été bien connue ; c’est que la matière qui obscurcit l’humeur aqueuse n’a point été examinée de près, et que sa nature a été ignorée. Elle est plus lourde que l’humeur aqueuse. Cependant, sa pesanteur n’est remarquable qu’après la cessation de l’orgasme ; alors ses parties se rapprochent ; s’unissent et se précipitent au fond, tant de la chambre antérieure que de la chambre postérieure. Son degré d’opacité est toujours en raison de la plus grande union de ses parties ; et plus cette union est forte, plus l’humeur aqueuse est opaque inférieurement et claire supérieurement. Si à cette époque on ouvre la cornée lucide dans sa partie la plus déclive, par le moyen de la lancette, qu’on recueille l’humeur qui jaillit de cette ouverture, son inspection fera facilement connoître que c’est un véritable pus. On trouve ordinairement de cette matière purulente, après cette opération, sur le chanfrein et sur la pointe de la lancette.

D’après ce fait, on doit penser que la nature, dans cette maladie, cherche à opérer une crise ; niais cette crise est toujours imparfaite, à cause de l’impossibilité de l’évacuation par les parties dans lesquelles est son siège. De là les nouveaux efforts pour expulser cette humeur ; de là, l’opiniâtreté de ces crises manquées, qui reparoissent jusqu’à ce que l’œil soit détruit. Ces commotions répétées épaississent l’humeur cristalline, endurcissent et désorganisent les cellules vitrées. (Voyez Cataracte.) L’humeur s’accumule entre le cristallin et sa tunique ; enfin, le retour de cette fluxion sur l’autre œil, peut dépendre des causes de la première fluxion même, de la communication des deux organes, dont le second seroit affecté sympathiquement, ou peut-être aussi du transport d’une portion de cette humeur purulente dans les parties constituantes du second œil. Ainsi cette maladie est sujette à des retours, ou à des périodes. Leur irrégularité se conçoit de même, les causes occasionelles qui peuvent accélérer, ou éloigner le retour du paroxysme variant à l’infini, les effets de ces causes ne sauroient être constans dans leur apparition ; et, s’il arrive quelquefois que le sens de la vue se trouve anéanti dès la première fluxion dont l’animal est affecté, c’est que l’orgasme est assez violent, et la matière purulente, qui en est le produit, est en assez grande quantité pour désorganiser les humeurs cristalline et vitrée, ou qu’elle se fixe sur la rétine ou sur le nerf optique. Ces sortes d’orgasmes sont quelquefois si terribles, que le sang se mêle avec cette matière purulente : en ce cas, la cornée lucide réfléchit une couleur rouge-noire, ou rouge marbrée de blanc et de jaune. Cette teinte subsiste très-long-temps, et après sa dissipation spontanée et lente, on s’aperçoit que les parties contenues par le globe sont entièrement désorganisées.

L’invasion tumultueuse de la fluxion périodique commande promptement le recours à la saignée. Cependant, si l’on étoit obligé de la différer à cause de la plénitude de l’estomac, il faudroit prescrire la diète la plus absolue, donner toutes les demi-heures des breuvages d’infusion de petite sauge, et des lavemens d’eau tiède, dans chacun desquels on auroit fait dissoudre deux gros de savon. On placera dans la bouche un nouet chargé de parties égales de sel marin et de poudre de racine de réglisse.

Au bout de deux heures de ce traitement, on pourra pratiquer la saignée à la jugulaire ; et, si l’orgasme est extrême, que le globe soit très-gonflé, que la tristesse et l’accablement soient à leur comble, on pratiquera à chacune des deux jugulaires à la fois, une saignée de deux pintes de sang ; ce qui feroit une saignée totale de huit livres environ.

L’accès se trouvant modéré, au bout de deux