Page:Rugendas - Voyage pittoresque dans le Brésil, fascicule 11, trad Golbéry, 1827.djvu/11

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fort maltraitées, ainsi que le démontrent les profondes cicatrices qu’on voit souvent sur tout leur corps. Chaque homme prend autant de femmes qu’il en veut et qu’il en peut nourrir : l’union, autant que je le sache, ne donne lieu à aucune espèce de solennité. Les sauvages s’emportent beaucoup quand ils trouvent un autre homme avec leurs femmes ; mais ils supportent, dit-on, patiemment que leurs femmes s’enfuient de chez eux pour aller vers un mari qui les traitera ou les nourrira mieux. Ils ont peu de soin de leurs enfans, et ceux-ci n’en ont pas besoin : cependant on aurait tort de dire qu’il y ait de leur part de l’inimitié ou de l’indifférence, du moins tant que ces enfans sont fort jeunes ; mais, dès que le garçon sait manier l’arc et la flèche, ou dès que la fille peut porter des fardeaux, allumer du feu, etc., les parens ne s’en soucient plus du tout, ils s’en séparent sans aucune marque de douleur, et les revoient sans aucun signe de joie. La durée du séjour des Indiens dans le même lieu dépend, soit des moyens de subsistance qu’il offre, soit de leurs guerres avec d’autres tribus ou avec les Portugais. Quand ils quittent une place, ils abandonnent leurs huttes, et emportent leurs effets dans un sac de nattes, que les femmes s’attachent au front au moyen d’un lien, qui le suspend sur leur dos ; de sorte que c’est la nuque qui supporte principalement ce fardeau : elles portent aussi les provisions, puis un ou deux enfans. Quant aux hommes, ils marchent en avant, et ne sont chargés que de l’arc et des flèches. On franchit les rivières qui ne sont pas trop larges sur des ponts, que l’on trouve ordinairement tout prêts dans les lieux les plus fréquentés, si les colons ou les ennemis indigènes ne les ont pas détruits : ce sont deux câbles de cipo, attachés d’une rive à l’autre, sans être fortement tendus. Les sauvages marchent sur l’une de ces cordes, et saisissent l’autre des mains. Souvent il se passe des mois entiers avant qu’on fasse un séjour qui dure au-delà de quelques nuits ou même d’une seule. Ce n’est que quand on a découvert un lieu fécond en fruits, abondant en gibier, à l’abri des attaques de l’ennemi, qu’on s’y établit pour quelque temps. Mais il ne faut pas croire que les hordes restent toujours réunies : ces expéditions et ces changemens de demeure sont abandonnées à l’arbitraire de chacun.

Bien que ce que nous venons de dire sur la figure, les habitations, la nourriture, les armes et les ustensiles des sauvages, s’applique spécialement aux tribus de la côte orientale, que nous avons observées nous-mêmes ; il paraîtrait que les Indiens des autres parties du Brésil, et notamment de la rivière des Amazones, sont peu différens de ceux que nous connaissons. Sur ce point, ainsi que sur beaucoup d’autres, nous attendons avec impatience les rapports de MM. Spix et Martius. Les Guaycurus, ou Indiens à cheval (Indios cavaleiros), dans le sud du pays de Mato-Grosso, forment