Page:Rugendas - Voyage pittoresque dans le Brésil, fascicule 12, trad Golbéry, 1827.djvu/11

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périté publique : ce moyen ne peut exister que dans une civilisation des Indiens, opérée sagement et successivement ; il conviendrait de les arracher peu à peu à la vie errante des chasseurs, et de les accoutumer à des demeures fixes et à l’agriculture. Le gouvernement portugais a fait, il est vrai, depuis le milieu du dix-septième siècle, plusieurs lois et plusieurs réglemens pour parvenir à ce but, et ces lois font honneur, sans doute, à ses bonnes intentions ; mais elles ont été conçues en grande partie sans connaissance de cause, et pour la plupart elles n’ont pas été exécutées. L’état des Indiens qu’on dit civilisés (Indios mansos), aussi bien que les rapports dictés par l’impartialité et rédigés par des hommes au fait de ce sujet, démontrent jusqu’à l’évidence que jusqu’à présent il a été fait peu de chose, ou même rien du tout, pour remplir les intentions bienfaisantes du gouvernement. Conformément aux lois existantes, et sur l’ordre de ce gouvernement, qui a pour cet objet dépensé des sommes considérables, plusieurs hordes d’Indiens de toutes les tribus, et même des tribus entières, se sont déterminées à accepter des présens, et se sont laissées entraîner par des promesses à abandonner les bois et à se réunir en aldéas sur des terres que le gouvernement leur assignait ; et afin de pourvoir, par tous les moyens possibles, au bien-être physique et moral de ces sauvages, on mettait toujours à leur tête un directeur et un ecclésiastique. Ce n’est point ici le lieu d’indiquer avec plus de détails quelle fut la destinée de la plupart de ces établissemens. Toujours est-il certain que les directeurs et les ecclésiastiques détournaient souvent les sommes qui leur étaient confiées, et que par-là les Indiens se virent successivement amenés à un état qui ne différait que peu ou point de l’esclavage, ces directeurs et ces ecclésiastiques les faisant travailler pour eux-mêmes et les traitant avec une grande dureté. Il ne faut pas nous étonner que dans ces circonstances on n’ait rien fait pour l’instruction religieuse des Indiens, qu’on n’ait même rien pu faire, et qu’ils se soient enfuis dans leurs forêts dès qu’ils en ont trouvé l’occasion. Ajoutez à cela que les colons avec lesquels ils sont en relation ne sont pas seulement des hommes grossiers, mais que très-souvent ce sont de véritables criminels, qui cherchent à se soustraire à l’empire des lois dans les contrées de la colonie les plus éloignées ; aussi ces colons, loin de favoriser les vues du gouvernement, rendent les sauvages toujours plus hostiles et toujours plus défians, tant par leurs tromperies que par les mauvais traitemens qu’ils leur font essuyer. Pour ce qu’il a fait en faveur de la civilisation des Indiens, le colonel Marlier mérite une mention honorable : il a fondé plusieurs aldéas de Coroados, de Coropos et de Puris dans la province de Minas-Geraes ; et ces aldéas promettent de prospérer beaucoup plus que la plupart des autres. L’essai de joindre