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roçeiros ou colons proprement dits. Leurs fonctions exigent beaucoup de courage et d’habileté, tant pour saisir et dompter les chevaux sauvages, que pour les soins à donner aux bêtes à cornes, si toutefois il peut être ici question de soins. Les troupeaux errent librement, et ce n’est que dans certaines saisons de l’année que les piâes à cheval les réunissent dans des lieux entourés de clôture (rodeio). Une fois renfermés, on recherche les taureaux de deux ans, et on les châtre ; on marque d’un fer chaud ceux d’un an, pour leur imprimer la marque du propriétaire ; enfin on prend, pour les tuer, ceux qui sont âgés de plusieurs années. On observe dans cette dernière opération une méthode qui prouve beaucoup d’habileté. Le berger à cheval poursuit l’animal, et quand il l’a une fois atteint, il tâche de lui jeter un fort lacet autour des jambes pour le renverser, ou bien il le terrasse d’un coup de perche et lui noue ensuite les pieds. Les fonctions du berger consistent de plus à visiter tous les jours les différens pâturages, pour empêcher le bétail de se perdre, et pour le protéger contre les animaux féroces, et surtout contre les loups, qui sont fort nombreux dans les campos. Cette inspection, vu la grande étendue des pâturages, ne peut se faire qu’à cheval, car le pâtre a très-souvent quinze ou vingt legoas à parcourir en un jour. Il y a près de la fazenda un pâturage entouré d’une haie (corral) ; on y tient toujours un certain nombre de bêtes apprivoisées, et principalement de vaches, dont le lait fournit un fromage qui dans ces contrées est un article de commerce fort important.

L’éducation des chevaux n’exige pas plus de soins que celle des bêtes à cornes, mais elle demande tout autant de fatigue et d’habileté. Ordinairement les chevaux courent ça et là par troupes de vingt à trente. Pour les approcher, les marquer ou les vendre, les piâes, à certaines époques, poursuivent ces troupes, les unes après les autres, et les font entrer dans une enceinte. Là on prend avec des lacets les chevaux qui ont l’âge requis ; on se sert de pinces pour les tenir par les oreilles ou les lèvres ; on leur met un caveçon, et tout aussitôt le piâo s’élance sur leur dos ; puis on lâche le cheval ainsi monté : alors il s’élance à la course, et par les sauts les plus vigoureux il cherche à se débarrasser de son cavalier, jusqu’à ce qu’épuisé de fatigues et de coups de fouet, il commence à obéir à la bride. Le lendemain on renouvelle le même traitement, et en très-peu de jours le cheval est dressé. Dans chaque fazenda il y a quelques ânes de bonne qualité pour la propagation des mulets ; à quel effet on tient toujours un certain nombre de jumens à proximité de l’habitation et dans un pâturage séparé.