Page:Rugendas - Voyage pittoresque dans le Brésil, fascicule 15, trad Golbéry, 1827.djvu/4

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pas oublier qu’ils ont eux-mêmes donné l’impulsion à ce mouvement, et qu’aujourd’hui il serait difficilement en leur pouvoir de l’arrêter. Nous n’examinons pas jusqu’à quel degré cette observation est vraie pour l’Europe elle-même ; mais l’application en est éminemment juste pour les colonies espagnoles et portugaises. Les habitans du Brésil ne songeaient pas à se mêler des affaires publiques, ni à juger les actes de leurs dominateurs ; ce sont les gouvernement de l’Europe qui les y ont provoqués, en s’adressant dans des proclamations, dans des articles officiels, au peuple, et à l’opinion, qui peut-être jusqu’alors n’avait pas même le sentiment de sa propre exigence.

Cet esprit public agit dans le sud d’une manière encore plus puissante que dans le nord ; encore bien que la presse, que l’écriture même n’y soient pas libres, les discours y sont plus animés et les réunions plus fréquentes. La Porte du soleil à Madrid, le Rocio de Lisbonne, et la place du même nom qui est devant le palais de Rio Janeiro, sont pour la vie intellectuelle des centres d’action dont l’importance ne peut être appréciée dans les froides contrées du nord. Du reste il n’est pas étonnant que l’opinion publique se prononce plus favorablement pour le gouvernement actuel à Rio Janeiro que dans aucune autre partie du Brésil. Non-seulement la présence de l’empereur et de la cour procurent à la capitale de grands avantages matériels, dont sont privées les autres parties de l’empire, mais le personnel du jeune prince est tel, qu’il lui assure une popularité méritée toutes les fois qu’il se montre au public. On rapporte de lui un trait qui explique l’enthousiasme d’une grande partie de ses sujets. En 1822 il apprit que des troubles agitaient la province de Minas Geraes ; aussitôt il monta à cheval, et, suivi de plusieurs aides-de-camp, courut au siège de la sédition. Quoiqu’il n’eût point amené de troupes, sa présence seule suffit pour apaiser le désordre ; après cela il revint en quatre jours et demi de Villa-Rica à Rio Janeiro, parut au théâtre, et le premier annonça au public étonné la nouvelle de la cessation des troubles. En la même année, lorsque les troupes portugaises refusèrent de s’embarquer pour Lisbonne, il ne montra ni moins de prudence dans ses mesures, ni moins de résolution dans l’exécution ; à la tête de la milice, il les obligea de passer sur la rive opposée ; ensuite il leur coupa les vivres, se rendit à bord d’une corvette qui était à l’ancre tout près du rivage, et n’en descendit que quand tous les Portugais furent embarqués. On le vit même pointer un canon, et prendre la mèche de la main d’un artilleur pour faire feu à la moindre résistance. A la dissolution de la première assemblée représentative, ce qu’on put lui reprocher, ne fut pas le défaut d’énergie.

Si ce prince, qui a donné des preuves si évidentes de sa fermeté et de son infa-