Page:Rugendas - Voyage pittoresque dans le Brésil, fascicule 6, trad Golbéry, 1827.djvu/6

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
( 44 )

criminels condamnés. Thomas de Souza en eut le commandement avec titre de gouverneur général ; on soumit en même temps à ses ordres tous les autres établissemens, et l’on restreignit beaucoup les privilèges de ceux qui les premiers avaient reçu des fiefs dans ces contrées.

À l’arrivée de Souza, Alvares Correa vivait encore : l’influence de cet homme singulier ne lui servit pas moins que sa propre sagesse et sa modération à établir des rapports d’amitié avec les Tupinambas, qui favorisaient beaucoup les développemens de ce nouvel établissement. Plus tard, quand des divisions éclatèrent entre les Portugais et les Indiens, la nouvelle colonie était déjà tellement affermie par l’appui que lui avaient prêté les Indiens eux-mêmes, qu’il n’y avait plus d’inquiétude à concevoir de leur agression, et qu’il devint même évident que cette agression ne pouvait conduire qu’à leur perte. L’arrivée de beaucoup de Jésuites multiplia encore les occasions d’hostilité par le zèle peut-être outré qu’ils apportèrent à la conversion des Indiens. Ils s’appliquèrent aussi à extirper les habitudes anthropophages des Tupinambas, et souvent ils leur arrachèrent leurs victimes.

En 1552 Thomas de Souza remit le gouvernement à Duarte da Costa, qui avait été nommé son successeur. Celui-ci arriva accompagné de plusieurs Jésuites, entre autres du célèbre Anchieta ; mais bientôt ils quittèrent Bahia, pour continuer dans le midi du Brésil les travaux de leur mission, et pour jeter les fondements de la puissance que leur ordre établit au Paraguay.

La fin du seizième siècle fut pour Bahia une époque importante ; car l’accroissement de la population et l’étendue toujours plus grande des établissements portugais au Brésil amenèrent la division de cette colonie en deux gouvernemens distincts. Bahia resta la capitale du gouvernement septentrional, Rio-Janeiro le devint des provinces méridionales (1572). Néanmoins, au bout de quelques années, on réunit les deux gouvernemens, pour être bientôt séparés de nouveau, jusqu’à ce qu’enfin Rio-Janeiro devînt la capitale de tout le Brésil. À peu près à la même époque les Tupinambas partirent pour l’intérieur du pays ; seul moyen qu’ils eussent de se dérober aux Portugais, dont les attaques réitérées menaçaient de détruire peu à peu toute leur race. Une partie de leurs habitations furent dans la suite occupées par d’autres sauvages, qui appartenaient à des tribus moins puissantes, et celles-ci à leur tour disparurent devant la civilisation européenne, qui ne cessait de s’étendre. Aujourd’hui on connaît à peine le nom de la plupart de ces tribus sauvages ; le peu qui en resta se répandit dans les forêts de l’intérieur, ou s’établit parmi les colons, se perdant et se mêlant ainsi au sang européen et au sang africain.