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Page:Ruskin - Les Lys du jardin de la reine.djvu/12

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tion morale bien dirigée et que des lectures bien choisies mènent simultanément à la possession d’un pouvoir sur ceux qui sont mal dirigés ou illettrés, et que ce pouvoir, dans la mesure où il existe, est véritablement royal, et confère sans nul doute la plus pure royauté qui puisse exister parmi les hommes. Trop d’autres royautés en effet (que l’on puisse les distinguer à des insignes visibles ou à l’exercice d’un pouvoir matériel) ne sont que spectrales ou tyranniques ; — spectrales, c’est-à-dire n’ayant que les aspects ou n’étant que l’ombre de la royauté, « creuses comme la mort, portant seulement l’apparence d’une couronne royale[1] » ; — tyranniques, c’est-à-dire substituant leur propre volonté à la loi de la justice et de l’amour par laquelle gouvernent les seuls vrais rois.

52. Il n’est donc, je le répète, — et comme je veux laisser cette idée en vous, je commence et finirai par elle, — qu’une seule royauté parfaitement pure, inévitable et éternelle (qu’elle porte ou non couronne) : la royauté qui consiste à être moralement plus fort que les autres, à avoir des pensées plus vraies ; état qui permet à celui qui le possède de guider ou d’élever les autres, — Observer ce mot d’état. Nous en sommes venus à l’employer dans un sens très lâche. Littéralement, il signifie la chose qui se tient debout et ferme, et vous le retrouvez avec toute sa force dans le mot qui en est dérivé : « statue », la chose inébranlable.

  1. Milton, Paradis perdu, IIe chant, vers 673.