Page:Ruskin - Les Lys du jardin de la reine.djvu/14

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tion beaucoup plus profonde et qui, si étrange que cela puisse paraître, demeure cependant pour un grand nombre d’entre nous absolument indécise, en dépit de son importance infinie.

Nous ne pouvons déterminer ce que doit être le pouvoir royal des femmes avant que nous ne nous soyons entendus sur ce que doit être leur pouvoir ordinaire. Nous ne pouvons nous demander quelle éducation les rendra capables d’exercer des devoirs plus étendus, avant de nous être mis d’accord sur ce que doit être leur vrai et perpétuel devoir. Dans aucun temps l’on n’a prononcé des paroles plus folles et l’on ne s’est permis plus d’écarts d’imagination sur cette question — cependant absolument vitale pour tout bonheur social. Les relations de la femme et de l’homme ; leurs différentes capacités d’intelligence ou de vertu n’ont jamais jusqu’ici, semble-t-il, été estimées d’un complet accord. Nous entendons parler de la « Mission » ou des « Droits de la femme », comme si ceux-ci pouvaient en aucun temps être séparés de la Mission ou des Droits de l’homme ; comme si elle et son seigneur étaient des créatures d’espèces indépendantes et de prérogatives inconciliables. Or, ceci du moins est faux. Mais non moins fausse, peut-être plus stupidement fausse (car je veux anticiper ici sur ce que j’espère prouver tout à l’heure), l’opinion que la femme n’est que l’ombre et le reflet de son seigneur, qu’elle lui doit une obéissance irraisonnée et servile et que sa faiblesse s’appuie tout entière sur la supériorité, la fortitude masculines.