Page:Ruskin - Les Lys du jardin de la reine.djvu/16

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le témoignage qu’ils ont laissé sur ce qu’ils ont tenu pour être la vraie dignité de la femme et sa manière de venir en aide à l’homme.

56. Et pour commencer prenons Shakespeare. Faisons tout d’abord la remarque générale que Shakespeare n’a point de héros ; il a seulement des héroïnes. Il n’y a dans toutes ses pièces aucun caractère d’homme absolument héroïque, si l’on en excepte la légère esquisse de Henri V, exagérée par les besoins de la scène, et celle encore plus légère de Valentin dans Les deux gentilshommes de Vérone. Dans ses pièces travaillées et parfaites, vous n’avez point de héros. Othello aurait pu en être un, si sa simplicité n’avait été grande à ce point de le laisser devenir la proie de toutes les basses machinations qui l’entourent ; mais il est l’unique exemple qui approche d’un type héroïque. Coriolan, César, Antoine, se tiennent debout ; mais leur force a des fissures et toutes leurs vanités les font choir, Hamlet est indolent et sa volonté s’endort dans ses raisonnements ; Roméo est un enfant impatient ; le marchand de Venise se soumet languissamment à la fortune adverse ; Kent, dans Le roi Lear, a le cœur parfaitement noble, mais il est trop rude et trop abrupt pour être vraiment utile au moment critique et tombe au rang d’un domestique. Orlando n’est pas moins noble ; mais son désespoir en fait le jouet du hasard, accompagné, encouragé, sauvé par Rosalinde. Tandis qu’il n’y a guère de pièce qui ne nous représente une femme parfaite, inébranlable dans un grave espoir et