Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/113

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figures ressortent mieux : le Christ en est le centre, il est entouré par les anges et par les apôtres Partout se voit l'image émaciée du Baptiste dans tous les épisodes de sa vie et de sa mort. Le Jourdain coule entre des rochers : sur les bords, un arbre sans fruit a sa racine frappée d'un coup de hache : « tout arbre qui ne produit pas de fruit sera coupé et jeté dans le feu ! »

Oui, en vérité : être baptisé par le feu ou périr par le feu, tel est le choix offert à tous les hommes ! La fanfare pénètre par la fenêtre grillée jusqu'à mes oreilles et se mêle au son du jugement que les anciens Grecs ont écrit sur les murs de ce Baptistère.

Venise a tait son choix.

Celui qui repose sous le dais de pierre lui aurait, dans son temps — si elle eût consenti à l'écouter — conseillé un autre choix, mais elle a oublié depuis longtemps les conseils du Doge dont les lèvres sont couvertes de pous- sière.

Entrons, par la lourde porte de bronze, dans l'église que noie un sombre crépuscule auquel l'œil doit s'accoutumer avant de pouvoir distinguer que le vaste édifice a la forme d'une croix dont les deux bras sont marqués par de nombreux piliers. La lumière n'y pénètre que par d'étroites ouvertures pratiquées dans les dômes qui forment le toit ; elles font l'effet de larges étoiles. Par-ci, par-là, un rayon s'échappe d'une fenêtre lointaine : errant dans l'obscurité, il jette une lueur phosphorescente sur les marbres de toutes couleurs qui tombent jusqu'en bas de l'église. La lumière des cierges et des lampes d'argent qui brûlent éternellement dans les chapelles s'ajoute à la faible lumière venant du sommet lamé d'or, et les murs, recouverts d'albâtre, lancent à chaque courbe, à chaque angle, de légers reflets brillants ;