Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/130

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réunion qu'il eût été facile d'éviter en dispersant les plaques prouve à tous ceux qui connaissent les pierres, quel est le système d'architecture employé. Seuls, les ignorants peuvent s'y tromper, mais quelle est la grande et noble vérité qui ne puisse être méconnue par des regards ignorants ? La vérité et le mensonge sont d'accord pour se cacher tout d'abord : à notre approche, le mensonge continue à se cacher et, s'il est découvert, il a recours à de pires mensonges, tandis que la vérité se révèle à nous à proportion de notre patience et de la somme de nos connaissances : elle répond gracieusement à notre appel et nous initie, lorsque nous l'avons découverte, à d'autres vérités plus puissantes.

Loi VI. — La décoration ne doit pas être taillée profondément.

Il sort du système de construction, ainsi réglé, un certain style de décoration basé sur cette condition primordiale que, dans la plus grande partie de l'édifice, il n'y aura pas de sculpture profonde. Les minces plateaux du revêtement ne l'admettent pas ; on ne saurait les creuser jusqu'à la brique, et quels que soient les ornements dont nous les parons, ils ne peuvent dépasser un pouce de profondeur.

Retracez-vous un moment l'immense différence qu'établit cette simple condition entre les sculptures du style incrusté et celles des solides pierres du Nord qui doivent être hachées et taillées dans de sombres cavernes ; passer de l'obscurité à d'étranges projections ; être sillonnées d'ornières sinueuses par de rudes socs chargés d'enfoncer, sous les écailles qui sautent de toutes parts, la pensée et les contours arrêtés par le dessinateur. De puissantes statues, vêtues de longues robes et la tête couronnée, brûlent au soleil; des spectres menaçants, des