Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/132

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

la forme humaine à la meilleure d'un être inférieur; puis parce que leur constante pratique de la sculpture solide, souvent même colossale, leur permettait d'apporter une habileté extrême dans la science des contours simples, soit sur les bas-reliefs, soit sur les vases monochromes, soit sur les hiéroglyphes sans profondeur.

Quand les idées contraires à toute représentation du règne animal, et plus spécialement de l'homme, apportées par les Arabes et les Grecs iconoclastes, commencèrent à diriger l'esprit des constructeurs vers des motifs de décoration pris dans des types inférieurs, et quand, la pratique de la sculpture solide, diminuant, le nombre des artistes capables de réduire habilement à leur forme linéaire les hauts organismes se fit plus rare, le choix des décorateurs se porta, de plus en plus, sur le règne des fleurs. Tandis que le Nord continuait à produire d'immenses et intéressantes statues, le Sud, dans son style incrusté, diminuait le plus souvent la forme humaine et la subordonnait à une abondance de fleurs et de feuillages dont les exemples lui étaient fournis par la fantaisiste décoration romane, d'où le style incrusté dérive en droite ligne.

De plus, le degré de réduction imposé à son modèle entraînait fatalement le sculpteur à abandonner la réalité de ses productions pour la soumettre aux besoins de l'architecture. Lorsqu'une fleur ou un animal peut être sculpté dans un hardi relief, l'artiste est tenté d'en exagérer l'importance par un luxe de détails inconciliable avec la simplicité nécessaire à un effet qui doit être vu de loin ; souvent même, — autre défaut encore plus grave, — le but primitif du dessin est sacrifié au désir de donner plus de vie à la pierre. Lorsque tout cela est interdit, qu'une simple ligne est tout ce qu'on permet au