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Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/146

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aux sculptures qui ornent le portail de Saint-Marc, répondaient celles qui décoraient les murs de chaque beau palais, le long du Grand Canal. La seule différence qui existât entre l'église et la maison d'habitation est qu'il y avait, dans les constructions destinées au culte, une distribution symbolique et que les sculpteurs et les peintres s'y inspiraient souvent de sujets moins profanes. Et encore faut-il noter légèrement cette différence, car les épisodes de l'histoire mondaine furent souvent introduits dans l'église tandis que ceux de l'histoire sacrée formaient généralement la moitié des ornements de la maison d'habitation.

Ce fait est si important et on y pense si peu qu'on me pardonnera de m'y attarder et de marquer les limites de l'assertion que j'ai émises : je ne prétends pas que toutes les maisons fussent, au moyen âge, aussi richement chargées de sculptures remarquables que les frontons des cathédrales, mais j'affirme qu'elles présentaient des traits de complète ressemblance, qu'elles avaient parfois la même valeur et que, contrairement à ce qui existe aujourd hui, il n'y avait aucune différence entre les cathédrales et les constructions qui les environnaient : elles étaient seulement la manifestation très parachevée d'un style universel et elles s'élevaient au milieu de la cité, comme un grand chêne se dresse au milieu d'une futaie de même essence que lui, mais qu'il domine par sa hauteur et par la belle symétrie de ses puissantes branches.

Naturellement, la forme et les dimensions restreintes des fenêtres et des tourelles destinées à l'usage domestique, l'infériorité des matériaux (le bois remplaçant souvent la pierre), et la fantaisie des habitants qui choisissaient leurs dessins en toute liberté, introduisirent des bizarreries, des vulgarités d'ornementation dans les logis