Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/148

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Cette question peut être douteuse, mais on ne peut même pas se demander si, familiarisés avec la beauté des formes et de la couleur, accoutumés à voir, dans tout ce que la main de l'homme a fait pour nous, la preuve évidente de nobles pensées unies à une admirable habileté, nous n'éprouverions pas le désir de reporter cette preuve dans la maison édifiée pour la prière? L'absence, en ce lieu, de la beauté pleine de charme qui nous entoure nous troublerait, au lieu d'exciter notre recueillement : nous trouverions aussi superflu de demander pourquoi notre maison étant ornée de beaux travaux humains, la maison où l'on invoque le Seigneur en serait dépourvue, que de demander si un pèlerin amené par son voyage du jour dans de beaux bois arrosés par des sources pures, devrait le soir, se mettre à la recherche de quelque endroit désolé pour y faire sa prière.

La seconde question : les ornements de Saint-Marc sont-ils réellement religieux et chrétiens ? se trouve résolue en même temps que la première, car il est évident que si c'est l'habitude d'être entourés, dans la vie de chaque jour, par de beaux et utiles ornements, qui nous les fait reproduire, remarquablement exécutés, dans les églises, aucun style de noble architecture ne peut être uniquement ecclésiastique. Il doit être pratiqué pour les habitations avant d'être transporté, perfectionné, dans l'église: en revanche, il n'en existe pas qui soit admissible à l'église sans pouvoir servir à l'usage journalier. C'est ainsi que le style architectural de la Renaissance romaine peut convenir aux habitations, mais choque le sentiment de piété naturel à l'homme quand il est transporté dans les églises : c'est ce qui a donné naissance à l'idée populaire que le style romain est bon pour les maisons et le gothique, pour les églises. Il n'en est pas