Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/153

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étaient de cœur avec l'Eglise romaine, dont ils ont souvent reproduit les doctrines. L'esprit protestant l'a remarqué, il s'en est offensé et il est devenu incapable d'examiner leur œuvre à fond et d'y découvrir des manifestations d'un esprit largement chrétien et non catho lique romain. Nombre de protestants, pénétrant pour la première fois dans le « Paradis » de l'Angelico, seraient tellement blessés de voir que le premier personnage que leur présente le peintre est saint Dominique, qu'ils sortiraient au plus tôt d'un tel Paradis sans se donner le temps de remarquer que, habillés de noir, de blanc ou de gris, et quels que soient les noms du calendrier qui leur appartiennent, les êtres dont Beato Angelico peupla son Paradis, sont plus saints, plus purs et plus pénétrés d'amour divin que tous ceux que la main humaine avait pu retracer jusqu'alors et qu'elle a retracés depuis. Et les protestants, n'ayant sottement admis que les œuvres des peintres non soumis aux doctrines catholiques, ont été réduits à se contenter de ceux qui, ne croyant ni au catholicisme, ni au protestantisme, ont lu la Bible uni- quement pour y trouver des motifs de tableaux. Il n'y a peut-être pas de peinture plus répandue chez les protes- tants que « la Pythonisse d'Endor » de Salvator, bien qu'il ait choisi son sujet parce que, sous le nom de Saûl et de la Sorcière, il put prendre pour modèles un chefs de brigands et une mégère napolitaine.

Il semble prouvé, par tout cela, que la force du sentiment religieux peut suppléer à ce qui manque à une œuvre d'art, la transformer, la purifier au besoin, et élever sa faiblesse jusqu'à l'émotion. La ressemblance avec un visage aimé, le rapport du sujet avec une idée qui nous est familière et, par-dessus tout, le choix d'un incident intéressant, nous feront admirer un tableau en