Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/208

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celle de la Piazzetta et je les ai tous trouvés très inférieurs à ceux dont ils ont imité les ornements. Je crois que les encadrements de ces fenêtres ont dû être tellement détériorés et fendus par les flammes du grand incendie qu’il fut nécessaire de les remplacer par d’autres, et que les moulures et les chapiteaux actuels sont de grossières imitations de ceux qui existaient auparavant. Il est impossible de déterminer ce qu’on peut attribuer à la vieille construction dans la façade de pierre, dans les parapets, dans les colonnes et les niches des angles qui ne méritent, dans notre travail, aucune note spéciale ; encore moins dans les deux grandes fenêtres centrales des deux façades dont l’exécution date entièrement de la Renaissance. Ce qui est admirable dans cette partie du monument, c’est l’ordonnance des masses et de leurs divisions, copiée, sans aucun doute, sur l’ancien plan d’origine et calculée pour produire, à distance, la même impression.


Rien de pareil à l’intérieur. Tout vestige des anciennes décorations a été détruit par les incendies. Les sévères et religieuses œuvres de Guariente et de Bellini ont été remplacées par la violence du Tintoret et la sensualité de Véronèse. Mais là, du moins, si les tempéraments étaient différents, l’art nouveau s’est montré aussi intellectuellement grand que celui qui avait péri et, quoique les salles du Palais Ducal ne représentent plus le caractère de ceux par qui il fut jadis élevé, chacune d’elles est une colossale cassette renfermant des trésors sans prix dont le salut a tenu, jusqu’ici à ce qu’on méprisait leur valeur et qui, à l’heure où j’écris, sont menacés d’être détruits pour toujours, morceau par morceau.

Il n’est que trop certain en effet, qu’en Europe, le plus grand nombre des particuliers, ou des sociétés que leur fortune, le hasard ou un héritage ont mis en posses-