Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/230

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Par bonheur, dans les tableaux de Gentile Bellini, ces fresques sont rappelées telles qu’elles existaient de son temps, non pas avec une rigide exactitude, mais assez distinctement pour qu’en les comparant avec les peintures sur verre de cette époque, on puisse se représenter ce qui dût être.


Les murs étaient généralement recouverts d’un fond marqueté de très chaude couleur, d'un rouge tirant sur l’écarlate, plus ou moins soutenu par du blanc, du noir et du gris, tel qu’on le voit dans le seul exemple qui, ayans été exécuté en marbre, a été parfaitement préservé : la facade du Palais Ducal. Toutefois, vu la nature des matériaux, cet exemple est spécialement simple : sur le fond blanc sont croisées deux lignes d'un rouge pâle formant des losanges au milieu desquels est placée une croix, alternativement rouge avec un centre noir, ou noire avec un centre rouge. En peinture, au contraire, les fonds devaient être aussi variés et aussi compliqués que ceux des manuscrits ; mais je n’en connais qu'un seul fragment qui ait persisté, on peut le voir sur la Casa Sagrado : sur des débris de stuc, on distingue un fond de marqueterie ancienne composé de quatrefeuilles rouges entremêlés dans les ailes déployées des chérubins.


Il est à remarquer qu’on a pris grand soin d’indiquer que tous les modèles marquetés employés à cette époque sont plutôt des fonds de dessin que des dessins eux-mêmes. Des architectes modernes, dans les pâles imitations qu’ils commencent à tenter, essaient de disposer des portions de ces fonds de façon à faire cadrer leur symétrie avec les dispositions architecturales.

Le constructeur gothique n’agissait pas ainsi : il divisait son fond — sans aucun remords — en autant de