Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/244

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de ligne ou de proportion sur toute cette noble façade et l’excessive finesse de la ciselure donne une impression de légèreté aux vastes blocs de pierres dont se compose ce parfait ensemble. La décoration est sobre, mais délicate : le premier étage est plus simple que les autres, parce qu’il a des piliers au lieu de colonnes, mais ces piliers ont tous des chapiteaux corinthiens, riches en feuillages et sont également cannelés ; les murs sont unis et polis ; les moulures, aiguës et sans profondeur, semblent, sur ces piliers audacieux, des cristaux d’aigues-marines courant sur un rocher de quartz.


Ce palais est l’œuvre principale, à Venise, et une des meilleures en Europe, de l’architecture supérieure des Écoles de la Renaissance : cette architecture, si soigneusement étudiée et d’une si parfaite exécution, par laquelle ces Écoles méritent notre respect, devint le modèle des œuvres les plus importantes produites par les nations civilisées. J’ai appelé cette période la Renaissance romaine parce qu’elle est fondée, par ses principes de surimposition et par le style de ses monuments, sur l’architecture classique de Rome, à sa meilleure époque.

C’est la renaissance de la littérature latine qui conduisit à adopter cette architecture en lui imposant une forme dont l’œuvre la plus marquante est la Basilique moderne de Saint-Pierre. Lors de cette nouvelle naissance, elle n’eut rien de la forme grecque, ni de la gothique, ni de la byzantine, si ce n’est par l’arceau rond de la voûte et le dôme. Dans tous ses détails, elle fut exclusivement latine : les derniers liens avec la tradition du moyen age furent brisés par les constructeurs enthousiastes d’art classique à qui les véritables formes grecques et athéniennes étaient encore inconnues. L’étude de ces formes pures a, de notre temps, apporté différentes