Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/246

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elle se sert, pour les toits, du pignon bas ou de l’arceau arrondi, mais elle diffère du Roman en attachant une grande importance au linteau horizontal (architrave) placé au-dessus de l'arceau. Elle transporte l’énergie des principales colonnes à cette poutre horizontale et fait de l’arceau un subordonné, si ce n’est même un inutile. J'insiste sur l’absurdité d’une construction dans laquelle la plus courte colonne qui a, en réalité, le poids du mur à supporter, est séparée en deux par la grande qui n’a rien à porter du tout, cette plus grande étant renforcée comme si tout le poids de la construction portait sur elle ; et j’insiste aussi sur le manque de grâce qu’on trouve dans toutes les œuvres de Palladio, quelle que soit leur richesse de sculpture. Ce défaut provient des deux demi-chapiteaux collés contre la rondeur lisse de la colonne centrale. Ce n’est pourtant pas contre cette forme d’architecture que je protesterai, car ses défauts se retrouvent dans beaucoup des meilleures œuvres anciennes et ils eussent pu être atténués par l’excellence de la pensée. Ce que je veux établir, c'est que, dans l'art de la Renaissance, la nature morale était corrompue.


Les éléments moraux — ou immoraux — qui s’unirent pour former cette architecture sont, à mon avis au nombre de deux: l’Orgueil et l’Infidélité.

L’orgueil se sépare en trois branches : Orgueil de science; Orgueil d’état; Orgueil du système. Voilà donc quatre états d’esprit à examiner successivement.

Orgueil de science. — Il eût été plus charitable, quoique plus confus, d’ajouter à notre liste un autre élément: l’amour de la science. Mais cet amour-là fait partie de l’orgueil auquel il est subordonné ; il ne mérite pas une mention particulière. Quoi qu’il en soit, poursuivi par