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CHAPITRE IX

INFIDELITAS


Aux différentes manifestations de l’orgueil de la Renaissance devait inévitablement se mêler un autre élément, compagnon forcé de l’orgueil. Il est écrit : « Celui qui a confiance en son propre cœur est un fou » et aussi : « Le fou s’est dit dans son cœur : Il n’y a pas de Dieu ! » L’adulation de soi-même aboutit fatalement à une infidélité d’autant plus redoutable qu’elle conserve la forme et le langage de la foi.

Deux voies différentes, qu’il faut distinguer, conduisirent au manque de foi : celle qui fut la conséquence du respect pour le paganisme et celle qui découla de la corruption du catholicisme. Car, de même que l’architecture romaine ne peut être rendue responsable de la corruption antérieure du Gothique, de même la philosophie romaine ne peut être rendue responsable de la corruption antérieure de la Chrétienté. À mesure que l’histoire de la vie du Christ, rendue plus obscure par l’atmosphère brumeuse de l’histoire du monde, s’éloigna dans la nuit des ans ; que les actions et les incidents intermédiaires se multiplièrent ; que les changements sans nombre dans la manière de vivre et de penser rendirent plus difficile à l’homme de se représenter des faits aussi lointains, il fallut au cœur fidèle un effort plus grand pour concevoir