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Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/315

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la Dogaresse et la Seigneurie vinssent visiter leur église, au jour de la fête ; et le Prince leur demandant : « Et s’il pleuvait ? » ils répondirent : « Nous vous donnerons des chapeaux pour vous garantir et, si vous avez soif, nous vous donnerons à boire ». De là vint la coutume que le vicaire présentât au Doge, au nom du peuple, deux fiasques de malvoisie et deux oranges, et aussi deux chapeaux dorés portant les armes du Pape, du Doge et du vicaire. Ainsi fut instituée la fête des « Maries » qui rassemblait toute la population des environs : on élisait douze jeunes filles, deux par chaque division de la ville, chargée de les habiller, et, pour cela on dépensait beaucoup d’argent. Saint-Marc prêtait les joyaux de son trésor aux a Maries ». Ainsi vêtues d’or, d’argent et de bijoux, elles se rendaient dans leur galère à Saint-Marc, où le Doge et la Seigneurie les rejoignaient. On allait d’abord à San Pietro di Castello, ouïr la messe le 31 janvier, jour de la Saint-Marc, et puis, le 2 février, on se rendait à Santa Maria Formosa ; le jour intermédiaire était employé à processionner dans les rues de la ville et ce souvent on se querellait sur le chemin par où passeraient les fiancées, chacun voulant les voir défiler devant sa maison ».


L’origine de la fête a été discutée, mais aucun doute ne peut s’élever sur la splendeur avec laquelle elle fut célébrée pendant quatre siècles. Au commencement du XIe siècle, le bon doge Pietro Orseolo II laissa, par testament, le tiers de sa fortune « à la fête des Maries » et, durant le XIVe siècle, il vint, de tous les coins de l’Italie, tant de monde pour la voir qu’il fallut des règlements de police spéciaux : le Conseil des Dix se réunit deux fois à ce sujet. La dépense semble avoir augmenté jusqu’en 1379, année où la terrible guerre de Chiozza réclamant toutes les ressources de la République, mit fin aux