Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/321

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approche, toutes les tours de Venise les accueillirent par des sonneries triomphales. Le Doge fut conduit jusqu'au champ de Saint-Marc, puis les nobles le portèrent de nouveau, sur leurs épaules, jusqu’au porche de l’église dans laquelle il entra pieds nus, au milieu de telles acclamations poussées vers le Seigneur qu’il semblait que les murs allaient s’écrouler. Il se prosterna sur la terre, remercia Dieu et saint Marc et leur offrit le vœu que renfermait son cœur. En se relevant, il reçut à l’autel, le sceptre vénitien, puis il entra au Palais Ducal où le peuple lui prêta le serment de fidélité. »


Le second fragment, pris dans « Les peintres modernes » est une étincelante description de Venise, au temps du Giorgione :

« A mi-chemin entre les montagnes et la mer, naquit le jeune George, de Castel Franco, qu’on appelait le « George des Georges » tant il était bon : Giorgione. « Avez-vous jamais pensé sur quel monde s’ouvrirent ses yeux, ses beaux yeux chercheurs de jeune homme ? Monde de vie puissante, depuis la montagne rocheuse jusqu’à la mer ; monde de vie délicieuse lorsque — tout jeune encore, — il s’en alla dans la cité de marbre et devint un de ses cœurs les plus ardents.

« Une cité de marbre, ai-je dit? Non, plutôt une cité d’or, pavée d'émeraudes, où chaque pignon, chaque tourelle brillait sous un revêtement d’or ou de jaspe. Tout à côté, la mer roulait avec de longs soupirs, ses vagues tournoyantes. Profonds, majestueux et terribles comme la mer, les hommes de Venise partaient en quête de puissance et de guerre ; pures comme ses piliers d’albâtre, étaient ses femmes et ses jeunes filles ; ses chevaliers, nobles de la tête aux pieds, faisaient briller les reflets bronzés de leur armure rouillée par la mer et cachée, à