Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/337

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et de sa grossièreté de conception. Comme œuvre d’art, pourtant, ce tableau a une grande valeur. Le voyageur accoutumé à la touche indistincte de Turner pourra y étudier la manière de peindre Venise dans le lointain.

Fresques sur le plafond de la salle des Quatre Portes, par Tintoret. Autrefois une magnificence défiant toute description, aujourd'hui un débris (le plâtre tombant par larges lambeaux) méritant encore pourtant une sérieuse étude.

Le Christ retiré de la croix, par Tintoret, au fond de la salle des Pregadi. Un des tableaux mythiques les plus intéressants de Venise, deux doges étant représentés auprès du corps du Christ. Cette très belle peinture, faite pour être vue à distance, gagne à être regardée de l’autre bout de la salle.

Venise. Reine de la mer, par Tintoret. Compartiment central du plafond dans la salle des Pregadi. Remarquable par le mouvement des grands flots verts et par la largeur de la conception, quoique peint durement et avec négligence et peu digne du maître sous certains rapports. Remarquer les formes fantastiques que, dans son amour pour le grotesque, il a donné aux herbes marines.

Le doge Lorédan implorant la Vierge, par Tintoret, dans la même salle. D’une couleur éteinte, mais pourtant une grande œuvre, dont l’étude démontre ce qu'un grand artiste peut faire « par ordre », lorsque le sujet imposé lui pèse.

Saint Georges et la Princesse. En dehors du Paradis, il n’y a guère a ma connaissance dans le Palais Ducal que six tableaux que Tintoret ait peints avec soin et qui soient extrêmement beaux : les plus achevés sont dans l’Anti-Collegio, mais les deux plus majestueux et caractéristiques sont deux panneaux oblongs, d’environ huit pieds sur six, qui remplissent les murs de l’Anti-Chiesetta et qui sont peints avec une paisible noblesse. Ils renferment fort peu de couleur ; le ton prédominant étant un brun grisâtre, accompagné de gris, de noir et d'un ton rougeâtre très chaud. Ils sont peints légèrement, parfaits de coloration et entièrement intacts. Le premier est Saint Georges et le Dragon, et le sujet en est traité d'une nouvelle et curieuse façon. Le personnage principal est la princesse, à califourchon sur le cou du dragon qu'elle tient par une bride de ruban ; saint Georges est debout derrière elle et il étend les mains, soit pour la bénir, soit pour arrêter le dragon par un pouvoir céleste ;