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L'État de Venise compte treize cent soixante-cinq années d'existence, depuis le premier établissement d'un gouvernement consulaire dans l'île de Rialto jusqu'au jour où le Général en chef de l'armée française déclara que la République de Venise appartenait à l'histoire du Passé. Sur cette période, deux cent soixante-seize années furent passées en sujétion nominale aux villes de l'ancienne Vénétie, spécialement à Padoue, et dans une forme de démocratie agitée où le pouvoir semble avoir été confié à des tribuns, choisis parmi les habitants des principales villes.

Pendant six cents ans, la puissance de Venise ne cessa de s'accroître. Elle était alors une monarchie élective dont le Roi ou Doge posséda — du moins pendant les premiers temps — une autorité aussi indépendante que celle de tout autre souverain européen. Cette autorité fut graduellement diminuée de presque toutes ses prérogatives, tandis qu'elle augmentait chaque jour d'une splendeur apparente, sans valeur aucune. Le gouvernement[1] final des nobles, sous l'image d'un roi, dura cinq cents ans pendant lesquels Venise recueillit les fruits de ses précédentes énergies, les consuma — et expira.

Que le lecteur divise donc l'existence de l'État vénitien en deux périodes : l'une de neuf cents ans, l'autre de cinq cents ans, la séparation étant marquée par ce qu'on a appelé le Serrar del Consiglio, c'est-à-dire la finale et absolue séparation de la noblesse et de la communauté ; le gouvernement étant remis aux mains des nobles, à l'exclusion des influences populaires et de l'autorité du Doge.

La première période, celle de neuf cents ans, nous

  1. WS. gouvernenement ---> gouvernement (coquille).